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Découragement - Eric Albert - Les Echos

Ce n’est pas la bonne journée. Les mauvaises nouvelles s’accumulent. Et cela s’inscrit dans une période difficile. Depuis quelques mois tout devient plus dur : des clients qui veulent plus pour moins cher, des tensions au sein des équipes, des réglementations nouvelles qui alourdissent le fonctionnement. Bref, la coupe est pleine.

Pour couronner le tout, il faut aller faire l’ouverture d’une réunion de managers pour les « rebooster ». Dure condition du dirigeant qui, quelle que soit son humeur, a la responsabilité de diffuser de l’énergie. Or, la sienne est fluctuante. Comme tout le monde, il lui arrive de trouver son fardeau pesant pour affronter la falaise des problèmes à résoudre tous les matins. Mais, la plupart du temps, il assume. Il encaisse, serre les dents et tient.

Cette forme de sacrifice est respectable, d’ailleurs tout le monde a l’air de considérer que c’est « normal ». Mais elle doit amener à s’interroger sur son coût réel. Ce coût a différentes dimensions, selon le degré d’irritabilité. Plus le dirigeant est découragé, plus son agacement est provoqué par de petits irritants. Selon son tempérament, il va les exprimer avec plus ou moins d’agressivité, mais cette dernière est de nature à dégrader la relation avec son entourage. Autre coût potentiel : celui du renoncement. L’accumulation des problèmes et le sentiment de débordement peuvent conduire à laisser tomber certains sujets qui ne progressaient que parce que le dirigeant les suivait personnellement.

« Il faut savoir choisir ses batailles »… Les formules ne manquent pas pour justifier ce qui a été laissé tomber par lassitude. Outre les sujets en cours, moins bien suivis, c’est donc toute la capacité de conquête qui est affectée. Comment trouver l’élan pour se confronter à la concurrence ? Comment retrouver les ressources pour se lancer dans de nouveaux projets ? Car, outre l’énergie qui est au plus bas, les idées ne sont pas non plus au rendez-vous. A cela s’ajoute souvent la spirale de la fatigue : difficulté de récupération car les nuits se transforment volontiers en espace de rumination.

ET APRÈS ?

Le « coup de mou » concerne tout le monde. Le dirigeant, lui, semble inaltérable et d’ailleurs, il entretient cette image qui le piège. Car lorsqu’il est découragé, il est coupé des moyens qui pourraient l’aider à s’en sortir plus facilement. Or c’est son entourage tant professionnel que personnel qui peut l’aider. Pouvoir exprimer son découragement, obtenir du soutien auprès de ses proches tant pour prendre du recul et réguler ses émotions que pour trouver des solutions aux problèmes, est très précieux. Le risque est de vivre les moments de découragement seul, en faisant semblant que tout va bien. Bien sûr, en puisant dans ses ressources, le dirigeant dépasse ces périodes de creux mais il le fait payer à son entourage et est moins efficace.

S’isoler pour cultiver une image de surhomme, ou de surfemme peut donner, à court terme, l’impression de se protéger. Mais c’est une illusion. C’est en s’entourant d’un cercle de confiance auquel il peut montrer ses fragilités que le dirigeant se renforce. Faire semblant d’être fort, c’est s’affaiblir.