expand

Sujets complexes : les risques du déni - Eric Albert - lesechos.fr

C'est au dirigeant d'aller à l'encontre d'une tendance collective vers la facilité.

Après l'attaque ignoble du Hamas en Israël, l'effroi des Israéliens face aux massacres et aux prises d'otages et le calvaire du peuple palestinien, de nombreuses analyses cherchent à comprendre comment on en arrive là.

Parmi celles-ci, la piste du déni et de ses effets est intéressante. Depuis plusieurs années, l'ensemble des parties prenantes (à l'exception d'un certain nombre d'intéressés) avaient renoncé à résoudre les questions liées aux Palestiniens. Plus encore, chacun avait fini par se convaincre qu'il n'y avait pas vraiment de problème.

Un déni collectif dont les accords d'Abraham sont, en quelque sorte, la formalisation. Or le déni provoque des réactions émotionnelles particulièrement fortes pour celui qui le subit.

Dynamique collective

À l'inverse, celui qui utilise le déni, vise à atténuer son anxiété. C'est un mécanisme de défense bien connu en psychologie. Il consiste à refuser de voir une part de réalité porteuse d'angoisse.

L'entreprise n'est pas à l'abri du déni. Lorsque les sujets sont complexes et qu'on ne sait pas, a priori, comment les traiter, il est souvent plus facile de se dire que ce n'est pas réellement un problème. C'est d'autant plus vrai si le sujet n'a pas de conséquences à court terme sur l'activité elle-même.

Le déni permet « d'oublier » qu'il y a un problème et surtout d'en sous-estimer les conséquences potentielles. D'ailleurs, jusqu'à présent, tout fonctionne à peu près bien, malgré ce problème… Donc ce n'en est peut-être pas vraiment un.  

La dynamique collective pour favoriser le déni peut être puissante. L'un des acteurs s'engage à atténuer l'importance du sujet et tous suivent, trop contents qu'on leur enlève une épine du pied. Le consensus pour mettre le sujet sous le tapis se fait ainsi avec une facilité déconcertante.

Personne ne se sent réellement responsable et chacun gagne ainsi, à court terme, du temps voire du budget.

Persévérance et rigueur

C'est au dirigeant d'aller à l'encontre de cette tendance collective vers la facilité. À lui d'avoir le recul pour identifier les conséquences potentielles à ne pas traiter le problème complexe. Mais surtout à lui d'imposer qu'on lui consacre le temps et l'énergie nécessaires.

Cela suppose que le dirigeant ait beaucoup de persévérance, – manque de temps, manque de moyens, autres priorités à échéance rapide, exigence du business, etc. – toutes les bonnes raisons lui seront présentées pour éviter d'avoir à se confronter aux difficultés.

Cette persévérance et la rigueur nécessaire à l'acceptation des problèmes qui dérangent constituent la marque de grands dirigeants.