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Sujets complexes : ne les reportez pas, au contraire, valorisez le travail de fond ! - Eric Albert - lesechos.fr

Les dirigeants devraient être davantage mis sous pression sur des thématiques majeures, dont les conséquences sont reportées dans le temps, nécessitant temps et pédagogie.

Depuis six ans qu'il est au pouvoir, le président de la République (et ses gouvernements) a évité – ou peu abordé — au moins deux sujets qu'il avait pourtant promis de traiter : la réforme de l'Etat et le déficit budgétaire.

C'est qu'ils sont terriblement complexes, demandent du temps et beaucoup de pédagogie, et que, s'ils avançaient, ils n'auraient peut-être pas d'effets immédiats en termes de popularité. Pourtant, chacun convient qu'ils sont essentiels pour l'avenir du pays.

Les sujets complexes sont aussi présents dans les entreprises. Et, à l'instar des gouvernements, il est tentant de les repousser à plus tard.

Personne ne prépare vraiment l'avenir

Pris dans les événements du quotidien, chacun règle les problèmes qui permettent à l'entreprise de tourner et de réaliser ses résultats à court terme. Focalisé sur ses objectifs, personne ne prépare vraiment l'avenir. C'est humain.

S'attaquer aux sujets lourds et complexes qui vont prendre beaucoup de temps et dont le résultat est pour le moins incertain ne fait pas envie. Plus encore, faire des choses qui seront utiles pour un futur qui parfois dépasse le sien suppose un fort sens de l'intérêt général.

La différence avec l'Etat est que les entreprises peuvent facilement avoir recours aux cabinets de conseil. Dès qu'un sujet est complexe, un cabinet est choisi pour le régler. Souvent, un nom prestigieux est garant que la mission sera menée dans les règles de l'art par comparaison (« benchmark ») avec les références du secteur. En parallèle, un responsable du projet est désigné, en interne, pour veiller à son aboutissement.

Garantir le traitement des sujets austères et compliqués

Il arrive que sur certains sujets comme l'IT ou la culture d'entreprise, qui suppose l'évolution des comportements et des mentalités, les choses n'évoluent pas vraiment. Un processus de changement est alors mis en place mais il se noie dans la lourdeur du projet.

On se satisfait d'avoir fait quelque chose. Et comme ça a été coûteux, tant sur le plan financier que pour tous les acteurs, on referme soigneusement le dossier sans réellement mesurer son efficacité.

Or l'un des rôles du dirigeant devrait être de garantir que ces sujets austères et compliqués soient identifiés, traités et suivis. Il est là pour insister là-dessus et ne rien lâcher face à des acteurs, qui feraient volontiers passer ces sujets au second plan pour se focaliser sur des tâches plus gratifiantes à court terme.

L'entreprise valorise mal le travail de fond, qui a des effets de long terme. C'est pourquoi les dirigeants devraient être beaucoup plus mis sous pression sur les sujets dont les conséquences sont reportées dans le temps.

C'est aux conseils d'administration de porter cette exigence qui favorise la durabilité de l'entreprise. Force est de constater qu'ils ne le font pas toujours avec suffisamment de vigilance.