expand

Les effets décalés des décisions - Eric Albert

Deux autres modèles de Boeing pourraient avoir des défauts de nature à dégrader la sécurité. Même si la compagnie nie aujourd’hui tout sujet concernant ces avions, elle est l’objet d’une enquête et il semblerait que le lanceur d’alerte ait été sanctionné. En France, on n’en finit pas de constater l’écroulement d’Atos qui était encore il y a quelques années un fleuron du CAC 40. Dans un cas comme dans l’autre, la situation délétère actuelle est le résultat de décisions prises il y a des années par des dirigeants qui, lorsqu’ils étaient au pouvoir, ont été considérés comme excellents. Ils ont donné l’impression de faire les bons choix alors qu’ils mettaient leur entreprise en risque qui s’est avéré, après leur départ, comme majeur. Dans le cas de Boeing c’est le passage d’une culture industrielle à une culture financière. Et dans celui d’Atos c’est une course en avant d’acquisitions qui n’ont pas tenu, loin s’en faut, les promesses attendues tout en plombant la dette de l’entreprise. La recherche de résultats à court terme combinée à l’hubris des dirigeants peut les conduire à des décisions qui flattent leur ego et plaisent aux actionnaires dans l’immédiat. Parfois ce sont des pratiques managériales brutales qui font partir les meilleurs et instaurent une culture de la peur.

Dans notre écosystème de l’immédiateté, la mémoire fait de plus en plus défaut. On prend les événements au fur et à mesure qu’ils se présentent et on les traite au mieux sans suffisamment les mettre en perspective. Cela encourage les dirigeants à se centrer sur l’émotion à court terme. Soit une émotion positive en faisant plaisir aux actionnaires, soit en tentant d’atténuer les émotions négatives souvent liées à des crises. En lien avec ces pratiques, certains dirigeants changent de job souvent pour ne pas avoir à assumer les conséquences à moyen terme de leurs propres décisions.

Ce devrait être au conseil d’administration d’avoir ce rôle de garantir la pérennité de l’entreprise en cadrant les CEO et en les challengeant en permanence sur la façon dont ils préparent le futur. Et bien sûr se pose la question de leur évaluation et de leur rémunération. Les bonus décalés en fonction de certains critères sont une des pistes mais cela ne suffit pas. Comme souvent les dirigeants sont partis, c’est leur réputation qui doit être en jeu. Il faut qu’ils sachent qu’elle pourrait être altérée car l’entreprise communiquera sur leurs défaillances passées.