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Quand les bonnes intentions font perdre le bon sens - Eric Albert - lesechos.fr

Elles relèvent d'une envie de faire ce qui est bien avant tout et de corriger le mal. Sur le principe, c'est une évidence. Mais c'est dans leur mise en pratique que les bonnes intentions trouvent leurs limites.

À la question : « appeler au génocide juif sur les campus constitue-t-il une violation des codes de conduites ? », les réponses des trois présidentes des universités respectivement de Harvard, du MIT et de U-Penn ont été : « ça dépend ». Engluée dans leurs bonnes intentions de respecter tout le monde et tous les principes de liberté d'expression, elles en ont perdu le bon sens. De quoi, face au tollé, provoquer la démission de la présidente de l'université de Pennsylvanie.

Le bon sens est une qualité indispensable aux dirigeants. On pourrait le caractériser par la capacité à simplifier un problème complexe pour revenir à l'essentiel. Rester sur les principes fondamentaux et ne pas se perdre dans les méandres des différents paramètres qui interfèrent sur le sujet. Il donne une ligne directrice à la prise de décision qui fait que chacun peut y trouver du sens.

Les bonnes intentions, elles, relèvent d'une envie de faire ce qui est bien avant tout. Faire le bien et corriger le mal : sur le principe, c'est une évidence ; c'est dans la mise en pratique des bonnes intentions qu'apparaissent nombre de limites.

Prendre la hauteur nécessaire

Répondre à la demande qui parait légitime d'un collaborateur sans prendre en compte les conséquences sur les attentes des autres. Vouloir corriger de façon uniforme une perception négative des équipes. Faire réfléchir les managers à des sujets sur lesquels ils ne sont pas experts et qui ne produiront que des banalités. La bonne intention est souvent empreinte de naïveté.

Les choses sont faites sans mesurer les conséquences qu'elles peuvent produire et sans prendre la hauteur nécessaire. En politique publique, la caricature des bonnes intentions a été de ne pas demander aux immigrés de s'intégrer par respect de leur culture d'origine. Chacun peut en mesurer les conséquences.

Bienveillance, exigence et franc-parler

On confond parfois ces bonnes intentions avec la bienveillance. Celle-ci relève d'une ouverture positive dans les échanges, d'un respect de l'autre avec le souci de ne pas chercher à lui nuire. Elle doit nécessairement s'accompagner d'un fort niveau d'exigence et d'un vrai franc-parler. Sans ces deux dimensions, elle risque de tomber, elle aussi, dans une naïveté justifiée par les bonnes intentions.

Développer son bon sens passe par ne pas se laisser engluer dans les pièges des bonnes intentions. Pièges, car elles paraissent évidentes. Celui qui les propose les présente comme nécessaires, en raison de son échelle de valeur.

Le bon sens permet de ne pas se laisser berner par cette apparente évidence. Il pousse à explorer méthodiquement les conséquences et à les mettre en perspective par rapport à l'essentiel.

C'est une boussole sur laquelle les dirigeants peuvent s'appuyer pour suivre la bonne direction dans la complexité.