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Décider, c'est faire jouer ses émotions - Eric Albert - lesechos.fr

Comprendre ses propres mécanismes de fonctionnement est au coeur de l'efficacité d'un dirigeant. Cette lucidité sur soi aide à accepter ses propres failles.

La guerre en Ukraine a commencé il y a un an. Elle est un exemple remarquable de l'absence de rationalité dans la prise de décision. Poutine a beaucoup à y perdre et pourtant il l'a déclenchée et s'y est engagé.

La psychologie de l'engagement montre que moins on se sent poussé, par son entourage, à prendre une décision, plus on persiste dans son option de départ. De surcroît, chacun se sent beaucoup engagé par la décision qu'il pense relever de son libre arbitre. Ces deux mécanismes, dans le cas de Poutine, conduisent à une catastrophe humanitaire.

En entreprise aussi, on sous-estime la force de l'émotion dans la prise de décision. Chacun – et plus encore tout dirigeant – est persuadé qu'il prend ses décisions d'une façon rationnelle.

Conscience de ses ressorts intimes

En vérité, nous sommes avant tout des êtres émotionnels. Nos émotions, sans nécessairement que nous nous en rendions compte, influencent nos choix et nos comportements. Avec le risque de rester dans l'illusion que nous pourrions être purement logique. Comme si les émotions n'avaient aucune prise sur nous ; ce qui revient à dénier leur présence.

Paradoxalement, plus on prend cette posture, plus les émotions prennent du poids à notre insu. Ayant fait un choix par conviction, le risque est grand de ne pas tenir compte des événements survenus ensuite pour persévérer dans son choix initial.

Or pour se rendre compte de l'influence de nos émotions, encore faut-il être en mesure de les identifier pour ensuite pouvoir les utiliser.

C'est quand on prend conscience de ses ressorts intimes (peur, revanche, volonté de puissance, culpabilité,…) que l'on peut les dépasser.

Accepter ses failles

Comprendre ses propres mécanismes de fonctionnement est au coeur de l'efficacité d'un dirigeant. Cette lucidité sur soi suppose d'accepter que l'on puisse avoir des failles et que l'on ne se laisse pas piéger soi-même dans des postures de prestance.

Trop nombreux sont ceux qui, à force de se forger une image lisse et sans défauts, finissent par y croire eux-mêmes. C'est parce que l'on se sait vulnérable que l'on est plus pertinent.

Chaque dirigeant devrait être encouragé à prendre ce recul sur lui-même. La lucidité sur soi est le préambule à la performance de tout dirigeant. Poutine et la guerre en Ukraine nous le rappelle de façon tragique.