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Qualité de vie au travail et engagement - Eric Albert - lesechos.fr

La qualité de vie d'un collaborateur est avant tout un sujet managérial. Encore faut-il que les managers disposent de temps pour s'y consacrer.

Personne ne conteste l'importance de la qualité de vie au travail. Quoique. Comme souvent sur ces sujets très généraux, il existe un consensus mou mâtiné d'un discours convenu et « managérialement correct ».

Le bonheur, un sujet d'entreprise ?

Tout le monde admet volontiers que le sujet doit être pris en compte, et chacun se donne bonne conscience en trouvant quelques actions, qui vont de services de conciergerie pour les salariés au télétravail, en passant par les massages ou les ruches sur le toit. Le summum de cette confusion convergeant dans la nouvelle fonction de « chief happiness officer » , dont personne ne sait comment il va rendre les salariés heureux. Personne n'a encore démontré que les entreprises qui en ont nommé un ont une meilleure qualité de vie. Pis, la fonction introduit une représentation selon laquelle l'entreprise doit faire la félicité de ses salariés, comme si le bonheur ne dépendait pas des individus eux-mêmes.

Rappelons que la qualité de vie d'un collaborateur est avant tout un sujet managérial. Elle commence par des aspects très matériels comme le cadre de vie, l'agrément des locaux et l'ergonomie des postes de travail. Elle passe par l'ambiance qui règne dans l'entreprise . C'est-à-dire la qualité du jeu relationnel et l'encouragement à collaborer plutôt qu'à être en rivalité. Et elle intègre l'équilibre de vie professionnelle/personnelle, donc la charge de travail et l'usage des outils électroniques.

La qualité de vie au travail est donc liée au mode de management. De récentes études montrent qu'elle est corrélée à l'engagement affectif des salariés. Autrement dit, plus le management veille à la qualité de vie de ses collaborateurs, plus ces derniers s'engagent et s'attachent à leur entreprise. Dès lors, on ne peut que s'interroger pour comprendre pourquoi toutes les entreprises n'encouragent pas de façon beaucoup plus active leurs managers à faire en sorte que ce paramètre soit réellement pris en compte.

Vision des dirigeants

Plusieurs explications viennent à l'esprit. D'une part, les managers ont de moins en moins de temps pour s'occuper de leurs collaborateurs, car on a multiplié leurs tâches aux cours des dernières années. Ils sont les premiers exposés à toutes les politiques de réduction des coûts. A chaque fois que les fonctions supports sont réduites, cela leur retombe dessus, sans compter la multiplication des reportings. Leur activité est devenue plus technique qu'humaine. D'autre part, améliorer la qualité de vie n'est pas une action ponctuelle qui donne des résultats rapides. Or, dans une économie qui vit à l'échéance du trimestre, tout est en permanence tourné vers le court terme. Enfin, conscients de sursolliciter les managers, les dirigeants ont souvent des scrupules à ajouter à leur fardeau la responsabilité de la qualité de vie. Ils en ont assez sur le dos, pensent-ils.

Et voilà comment ce sujet, dont tout le monde convient qu'il est important, n'est, en fait, jamais assez urgent pour qu'on s'en occupe vraiment. Le niveau de qualité de vie des collaborateurs est le reflet direct de la vision des dirigeants . Elle témoigne de leur capacité à construire le futur plutôt qu'à être en réaction permanente et dans une course en avant épuisante et vaine.