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Raison d'être - Eric Albert / lesechos.fr

La raison d'être d'une entreprise doit être partagée par tous. Mais elle ne peut pas être définie par le haut sans participation ni concertation. Elle doit résulter d'un travail contributif qui implique le plus grand nombre possible d'acteurs.

Les événements actuels (le mouvement des « gilets jaunes » et ses suites, NDLR) apportent deux éclairages utiles sur le plan managérial.

Le premier met en lumière l'éparpillement et la diversité des attentes et des thèmes de protestation _ la situation donne l'impression que chacun est centré sur soi et revendique pour lui-même et son confort matériel. Le second révèle l'extrême méfiance de tout ce qui représente la hiérarchie ainsi qu'une forte aspiration à un modèle plus participatif.

La conséquence de ces revendications individuelles ? L'impossibilité à satisfaire cette dispersion. En étant centré sur soi et submergé par son exaspération, plus personne ne semble capable de prendre en compte l'intérêt général. La défiance de la hiérarchie montre à quel point il est urgent de trouver de nouvelles manières de susciter l'adhésion. Le sujet renvoie à la nécessité, pour les entreprises, de fédérer l'ensemble des acteurs autour d'une finalité commune. C'est là tout l'enjeu de la raison d'être des entreprises.

Le débat que ce thème a suscité avec le rapport Notat-Senard a vite tourné court. Les acteurs traditionnels, tenants d'un capitalisme où les actionnaires possèdent intégralement l'entreprise du fait de leur investissement et décident de ses orientations, se sont raidis. Pas question d'être obligé de prendre en compte les intérêts des parties prenantes ! Il est pourtant certain que la seule rentabilité de l'entreprise n'est pas, de loin, suffisamment mobilisatrice. Et il est non moins certain que les entreprises ont de plus en plus besoin de l'énergie et des capacités de l'ensemble de ses acteurs pour réussir.

C'est en cela que la raison d'être d'une entreprise doit être partagée par tous. Et ne peut être définie par le haut sans participation, ni concertation. Elle doit résulter d'un travail contributif qui implique le plus grand nombre possible d'acteurs. Pour autant, cela ne suffit pas. Les Marcheurs avaient « consulté » avant de faire leur programme ; ils ont pensé qu'une fois élus, il suffisait de l'appliquer. Erreur. Le processus est dynamique et permanent. Si l'on veut que la raison d'être soit vivante, fédère et rende les acteurs fiers de ce qu'ils font au quotidien, il est indispensable de… la faire vivre.

Et après ?

Faire vivre une raison d'être, c'est vérifier qu'elle inspire réellement les actions des uns et des autres et les grandes orientations prises. Autrement dit, mettre en perspective pour trouver des liens avec un sens général.

Cela s'organise sur le plan managérial. Il faut des temps de prise de recul collectif. Ils sont constitués de réflexion et de partage. La raison d'être prend sens à travers ces moments où elle devient concrète pour chacun et n'est pas seulement faite de grandes intentions bien formulées qui ne correspondent en rien au travail demandé aux acteurs. C'est ainsi que, progressivement, elle imprègne la culture de l'entreprise pour fédérer autour d'une finalité commune. Le contexte actuel nous montre à quel point la raison d'être est indispensable pour se sentir appartenir à un projet commun et ne pas rester focalisé sur soi. Voilà un chantier à mettre en place d'urgence en 2019.