expand

Carlos Tavarès : « Vous n'avez qu'à légiférer ! » - Eric Albert pour Les Échos

Pas de comportement vertueux sans contrainte, dit en filigrane le patron de Stellantis.

La rémunération de Carlos Tavares a déjà fait couler beaucoup d'encre. Les brillants succès de ce dirigeant, tant sur le plan stratégique que dans sa mise en oeuvre et surtout la rentabilité, sont incontestables. Mais la démesure de ses appointements pose question vis-à-vis des salariés de Stellantis.

Sa réaction, lorsque le sujet de sa rémunération a été abordé, est choquante : « Vous n'avez qu'à légiférer ! » Notons d'abord qu'il est payé à travers une holding située aux Pays-Bas. Il ne serait pas concerné par un changement de législation française, contrairement à ses collègues du Cac 40 qui, pour la plupart, dépendent du droit français.

Ce que dit, en creux, sa réplique ? Puisque la loi ne nous limite pas, pourquoi nous limiterions nous-mêmes ? En somme, pas de comportement vertueux et raisonnable sans contrainte. Cela pose évidemment la question de l'exemplarité des dirigeants et de ses ressorts.

Force symbolique de l'attitude du leader

S'il s'agit de se comporter uniquement en fonction de la règle, le message implicite est : tout ce qui n'est pas interdit, est autorisé. C'est un encouragement à trouver les failles du système. Et à travers lui, le message vise à promouvoir l'individualisme aux dépens de l'intérêt collectif.

Or, dans le même temps, les grands groupes se plaignent souvent d'une nouvelle génération de salariés, qui négocient leur contrat de travail en fonction des jours de vacances et de télétravail dont ils pourraient bénéficier. Et brocardent ce goût pour le confort personnel et le peu d'investissement relationnel et émotionnel qui s'ensuit dans l'entreprise. En fait, les jeunes apprennent des pratiques de certains leaders et veulent, eux aussi, tirer le maximum du système à leur profit.

Les leaders attendent de leurs équipes qu'elles acceptent de sortir de leur logique de silo pour travailler de façon transversale, qu'elles prennent en compte les intérêts supérieurs de l'entreprise de préférence à ceux de leur entité propre, qu'elles trouvent les meilleurs compromis pour l'organisation, etc. Mais ils sous-estiment toujours la force symbolique de leur propre attitude. Or tout, dans leur comportement, est observé, interprété et commenté.

Celui qui est en haut du système incarne, par définition, l'intérêt général, ou du moins il le devrait, s'il veut donner envie.

Le talent, l'énergie et l'audace ne suffisent pas, un grand dirigeant doit aussi être vertueux.