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Rapport de force - Eric Albert - Les Echos

Les rapports de force et l'illusion que l'on pourrait être indépendants les uns des autres sont des thèmes qui rencontrent un succès certain. Presque chaque jour, Trump nous fait la démonstration de ce type de relations.

Tout repose sur la confrontation, il s'agit de faire céder l'autre, par des actions coups-de-poing dont on attend des effets rapides. Pour cela, il s'appuie sur les bonnes vieilles recettes : menaces, intimidation, voire insultes. L'illusion d'indépendance supprime la nécessité de qualité relationnelle. A quoi pourrait-il servir d'entretenir une bonne relation alors que l'on n'a pas besoin des autres ? Depuis quelques semaines, ce mode de fonctionnement semble réussir au nouveau président des Etats-Unis. Comme tout le monde met en avant ses méthodes de chef d'entreprise, il ne faudrait pas en conclure que c'est l'usage parmi ceux-ci. Car, même si Donald Trump ne s'en est pas aperçu, dans l'entreprise, le mouvement a été exactement inverse de ses pratiques. Que ce soit en interne ou avec les partenaires extérieurs, tout concourt à construire des relations durables, c'est-à-dire basées sur la confiance et sur la conviction que le modèle gagnant-gagnant est le seul qui permet de réussir dans la durée. La quête d'indépendance de certains s'est confrontée à la réalité de l'interdépendance. Dès lors, il est indispensable de respecter l'autre, de prendre en compte ses intérêts et de lui donner envie de collaborer. Le rapport de force est le dernier recours ou le reflet de plusieurs peurs. Peur de dépendre des autres qui résulte de son propre manque de confiance en soi, peur d'avoir à faire des concessions en ayant toujours le doute que l'on pourrait se faire abuser.

Et après ?

Le fantasme de domination et de toute-puissance est une quête de réassurance. Sortir du rapport de force pour entrer dans une relation constructive, c'est considérer que le désaccord est, par définition, intéressant. La compréhension du point de vue de l'autre n'est pas un risque. C'est au mieux un enrichissement, au pire une base de discussion. L'enjeu n'est pas dans la domination ou l'élimination mais dans la collaboration et la cohabitation. Rien de naïf dans cette démarche qui ne sous-estime pas le poids respectif des acteurs, et donc leur capacité à peser, voire à s'imposer lorsque le jeu est faussé ou que l'échange bloque. La confrontation fait partie des hypothèses lorsqu'on est face à un interlocuteur qui refuse tout dialogue. Là, bien sûr, toutes les ressources du combat doivent pouvoir être utilisées. Pour le dirigeant, cela suppose de se sentir assez sûr de lui pour s'exposer à l'échange ouvert. Ouvert au point d'accepter de remettre en cause ses propres convictions. Ouvert à trouver une solution qui n'avait été imaginée à l'avance. Ouvert à l'idée de participer à la réussite des autres et pas seulement à la sienne. Cette ouverture est l'expression d'une humilité. Contrairement aux apparences, le discours de la toute-puissance n'est pas l'expression d'une force intérieure. La véritable force intérieure se révèle davantage par l'humilité et l'ouverture aux autres.