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L'esprit et la lettre - Eric Albert - Les Echos

La descente aux enfers médiatiques de François Fillon est une « belle » illustration d'un mécanisme de perte de la confiance et de l'estime portées à un dirigeant. La ligne de défense du candidat à la présidentielle repose principalement sur la loi. Il n'aurait rien fait d'illégal. Mais, à supposer qu'il puisse le prouver, cela ne rétablirait probablement pas la confiance. Certes, la question du cadre légal est essentielle mais elle est loin d'être suffisante.

Fondamentalement, ce qui est reproché à François Fillon, c'est de n'avoir pas agi dans l'esprit de ce qu'il dit incarner : une droiture sans faille. En utilisant le système, il suscite le doute sur sa probité. Cette question de la confiance est omniprésente en entreprise. Elle est fondamentale dans les rapports interindividuels, mais elle l'est plus encore en tant qu'atmosphère générale dans le jeu relationnel entre tous les acteurs. Les dernières années ont plutôt vu une baisse globale de ce niveau de confiance ; en témoigne la multiplication des règles, des process de toute sorte et autres cadres de conformité. Ce sont autant de messages implicites de méfiance vis-à-vis des équipes. De plus en plus se généralisent des « passeports éthiques » qui obligent les salariés à réviser ces normes et à passer un test qui valide leurs connaissances sur le sujet. Les règles ne suffisent plus, il faut passer l'examen. On généralise la contrainte faute de savoir faire passer l'esprit. C'est une capitulation majeure qui se traduit par une baisse de l'efficacité globale. En multipliant les process on enferme les acteurs, ce qui pousse les plus entreprenants à les contourner. Le contournement produit de nouvelles règles, et le système est entraîné dans un tourbillon d'inefficacité procédurière. Les contraintes ne prennent sens que si elles sont mises en perspective par rapport aux valeurs. Ce sont ces dernières qui donnent le sens et l'esprit dans lesquels l'ensemble des acteurs doit s'inscrire. Le contresens majeur est que la plupart des entreprises posent les valeurs comme des règles. Et après ? L'exemplarité du dirigeant, et donc sa capacité à diffuser de la confiance dans son organisation, dépend de la façon dont il incarne les valeurs. Cela ne signifie pas qu'il est parfait, mais qu'il les vit. Les valeurs l'habitent au quotidien. Il s'interroge sur la façon de les mettre en oeuvre, de les combiner. Il en parle, il s'y réfère. Lorsqu'il hésite, elles constituent une boussole qui l'aide à se décider. Il montre qu'il est conscient que ces valeurs ne sont jamais acquises, qu'elles s'inscrivent dans une quête jamais achevée. Dans sa façon d'évaluer son entourage, les valeurs viennent au premier plan, sans concession au brio et à la performance. Et enfin, lorsqu'il est soupçonné de ne pas les appliquer, il ne s'abrite pas derrière la règle pour dire qu'il s'y est conformé. Il exprime son intention et la met en perspective par rapport aux valeurs. C'est l'esprit qu'il faut faire partager à tous les collaborateurs pour leur donner envie de s'y inscrire, dans une dynamique de confiance.