expand

L’envie, nouvelle frontière

Lorsque plusieurs candidats potentiels à la présidentielle proposent aujourd’hui de remettre en cause cette particularité française que sont les 35 heures, le gouvernement japonais lance une incitation financière pour les entreprises qui réduisent le temps de travail de leurs salariés. Deux cultures décidément opposées… En France, la représentation la plus répandue est que le travail nuit à la santé et à l’équilibre de vie des salariés. La « vraie vie », celle qui permet de s’épanouir, n’est-elle pas ailleurs ? Et les collaborateurs ne se portent-ils pas mieux s’ils travaillent moins ? Au Japon, le salarié place le travail au centre de sa vie. Consacrer l’essentiel de son énergie et de son temps dans son travail est une norme. La vie personnelle passe après. Deux modèles finalement aussi dysfonctionnels l’un que l’autre, mais, qui, à y regarder de plus près, cohabitent en France : les dirigeants d’entreprise sont « japonais » et, tous les autres, sont « français ». Comme si le juste milieu était impossible à trouver. Ce sont en fait surtout deux conceptions de l’équilibre, de l’efficacité et de l’implication dans les différents champs de la vie qui s’affrontent. Le débat n’a pas lieu frontalement, il est implicite, mais ce rapport au travail influence en filigrane la vision des acteurs sur ce qui rend efficace. Quand les uns insisteront sur la notion d’« implication », les autres répondront « récupération ». Les premiers estiment que l’énergie mise dans le travail ne doit pas se compter, les seconds considèrent qu’il faut se prémunir des excès de sollicitations auxquels chaque salarié est soumis. Ce que révèle ce clivage en amont, c’est la différence d’envie et d’appétence pour le travail des uns et des autres. En somme, l’envie devient une nouvelle frontière, qui positionne les acteurs dans une forme de lutte des classes au sein de l’entreprise. La question du temps de travail doit donc être liée à celle du mode de management. Redonner le goût de venir travailler aux acteurs, leur démontrer l’importance de leur mission, leur faire découvrir la satisfaction de prendre des responsabilités… Voilà quelques pistes de nature à combler ce fossé. De plus en plus, le management aura ce rôle charnière consistant à faire en sorte que l’envie soit mieux répartie et partagée par tous.