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« Soft skills » les mal aimés indispensables - Eric Albert

Les soft skills évoquent le mou, en comparaison de l’expertise qui s’appuie sur des compétences solides.

Pourtant, le terme a été créé par l’armée américaine dans les années 60. Celle-ci réalise qu’au-delà de l’expérience et la compétence de ses officiers supérieurs, ce qui les différencient, dans leur rôle de leader, tient avant tout sur d’autres types de capacités. Le terme « soft skills » regroupe tout ce qui concerne la manière d’être des acteurs, qui s’exprime à travers leurs comportements. Cela va de la qualité des relations qu’ils créent avec leur entourage, à leurs capacités à utiliser leurs émotions et donc à décider.  Ce n’est donc pas issu d’un courant de la psychologie mais de l’observation de l’efficacité des leaders.

Ces derniers, plus ils montent dans l’échelle hiérarchique, plus ils sont en risque d’être confortés dans l’idée que leur réussite est liée à leur talent. Ce qui revient à demeurer ce qu’ils sont, plutôt qu'à se remettre en cause. Ils sont habités par la représentation que ce qui les a fait réussir va leur permettre de continuer à progresser. C’est ainsi qu’on voit un dirigeant à la tribune devant ses troupes lire un speech sans aucun impact, ou un autre en situation de crise ne montrer aucune empathie vis-à-vis d’équipes en grandes difficultés.

La grande critique sur les soft skills est que c’est un concept vague qui englobe des dimensions très différentes. De fait, puisqu’il s’agit des comportements des acteurs et de l’effet qu’ils produisent, le spectre est large. Quel lien entre l’agilité et les capacités relationnelles ? Peu si ce n’est qu’il s’agit de comportements et qu’ils se développent avec la même méthodologie.

C’est là le lien entre tous les soft skills : ils se développent avec une approche cognitivo-comportementale qui permet aux acteurs de progresser. Encore faut-il que les intéressés comprennent l’intérêt d’y travailler sans s’abriter derrière deux craintes caricaturales souvent mises en avant. La première est de vouloir changer la personnalité. Or la personnalité est justement constituée des traits caractéristiques d’un individu qui évoluent peu. Un individu jovial peut être ou pas empathique. Lui apprendre à l’être ne change en rien sa jovialité. Le second est l’uniformisation. Développer des compétences comportementales, c’est élargir le registre des comportements à la disposition d’un acteur. Car l’efficacité suppose l’éventail le plus large possible des registres utilisables. C’est donc exactement le contraire de l’uniformisation.