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Vite, plus vite - Eric Albert - lesechos.fr

Le business est une course et la rapidité n'est pas une option. Mais les dirigeants doivent savoir faire avancer les dossiers à des rythmes différents, pour éviter l'essoufflement de l'organisation et des acteurs.

C'est une obsession et une nécessité. Chacun a pu constater que celui qui était agile avait un avantage sur ses compétiteurs, que ce soit pour conclure un deal, pour sortir un produit ou pour embaucher un talent. Le business est une course et la rapidité n'est pas une option.

Dans un souci de sécurité, parfois légitime, les grandes organisations ont multiplié les freins. Les fonctions centrales justifient ainsi leur raison d'être et imposent des passages obligés, avec un véritable parcours du combattant, pour les acteurs. Dès lors, tout prend plus de temps. Vue du haut de l'organisation, la situation agace et peut conduire à accentuer la pression. La vitesse devient alors un mantra, à tout propos et sur tous les sujets. Pour les sujets de compliance et les dossiers financiers, les risques qui en découlent sont identifiés et contrôlés, ceux liés aux effets sur les acteurs sont toujours sous-estimés.

Le tempo du changement comportemental

Les menaces qui pèsent sont de deux types. Il y a d'abord les conséquences d'un tel rythme sur les individus. Bien sûr, dans un premier temps, la griserie de la vitesse et l'enthousiasme d'aboutir vite prévalent. Mais souvent, ce qui devait être un sprint se révèle être un marathon. Les acteurs s'essoufflent, s'épuisent. Lassitude, perte de plaisir, irritabilité, fatigue permanente, les symptômes sont connus. Mais la pression devient d'autant plus forte qu'il se crée un consensus sur la nécessité d'aller vite ; plus personne n'a le choix. La charge augmentera bientôt, lorsque les plus lucides quitteront le navire, au bout de quelques mois. Ils laisseront des postes vacants, comblés, au moins temporairement, par ceux qui restent. Cette course en avant, qui conduit au burn-out, n'est pas rare.

L'autre risque de la rapidité vient lorsqu'on l'applique aux changements de culture et d'état d'esprit. On explique aux équipes ce qu'elles doivent changer, puis on lance des formations, des mises en pratique, et l'on considère que c'est réglé. Illusion, bien sûr.

Le tempo du changement comportemental est lent et répétitif. Comme tout diktat, l'injonction à la rapidité doit être nuancée. Les dirigeants doivent savoir faire avancer les dossiers à des rythmes différents. Mener des sujets lentement est exigeant. Cela suppose de garder sa détermination et sa rigueur de suivi, en dépit de l'impression générale que tout ce qui ne va pas vite n'est pas important et se perd sans jamais aboutir. Savoir adapter les tempos en tenant compte des équipes doit rester un point de vigilance permanent des dirigeants.