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Un diagnostic, et après ? - Eric Albert - lesechos.fr

Après un sondage effectué auprès des collaborateurs, les actions correctrices de terrain apparaissent rarement suffisantes. Et elles exonèrent l'entreprise d'un questionnement sur l'intelligence de son modèle.

Presque toutes les entreprises s'y sont mises, surtout les plus grandes. Pour comprendre ce que les collaborateurs ressentent, il faut les sonder. Jusqu'à il y a peu, le rythme des sondages était annuel mais, désormais, de nombreuses solutions proposent de suivre en direct les perceptions des acteurs pour agir de façon quasi immédiate. L'intention est louable : quoi de plus important que se pencher sur ce qu'éprouvent les équipes pour ajuster les modes de management ?

Force est de constater pourtant que tous ces diagnostics font peu évoluer les sujets en interne. Même si certains points s'améliorent, d'autres se dégradent au même moment. L'utilité des évaluations n'est pas en cause – même s'il faudrait aller au-delà de l'éternel questionnaire, varier les méthodes, et introduire plus de qualitatif. C'est l'usage qui en est fait qui mérite d'être questionné.

Des contraintes contradictoires et incompatibles pour les managers

La plupart des organisations demandent aux managers de trouver des solutions pour améliorer les points les plus mal notés par leurs équipes. Parfois, elles conditionnent une partie de la rémunération variable à l'amélioration d'un tel baromètre. Que chacun fasse des efforts est positif, mais quelle est la cohérence globale de la démarche ? Les actions correctrices de terrain, souvent pleines de bonnes intentions, sont rarement suffisantes. Et elles exonèrent l'entreprise d'un questionnement sur l'intelligence de son modèle ! 

Si l'ambiance et le jeu collectif sont dégradés, il peut certes être utile de se pencher sur la façon d'améliorer la situation à l'échelle de chaque équipe. Mais quels seront les résultats si, en parallèle, la politique de l'entreprise est basée sur la performance individuelle et met les acteurs en rivalité ? Quelle sera la portée des micro-initiatives si se multiplient les messages implicites montrant que « lorsqu'on ne travaille pas, on perd son temps » ?

Le risque est de soumettre les managers à des contraintes contradictoires et incompatibles (« double bind »), avec une injonction à corriger, à leur niveau, ce que l'entreprise induit par son fonctionnement global. Le danger est alors de décourager les équipes, qui peuvent avoir une impression de faux-semblant. On les interroge sur ce qu'il faut changer mais il n'y a que de petits ajustements de terrain.

Le management n'est pas seulement l'affaire de ceux qui sont sur le terrain ; il correspond à des choix stratégiques de l'entreprise. Les dirigeants ne doivent pas se défausser du sujet. Non seulement, ils risquent de mettre leurs équipes en porte-à-faux, mais aussi – pire encore – ils donnent l'impression que le système qui prétend vouloir s'améliorer, sans rien changer sur le fond, est hypocrite. Comme toutes les routines, les diagnostics doivent être remis en cause. Et les dirigeants avec eux.