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Se convertir - Eric Albert - lesechos.fr

C'est d'abord la lucidité sur soi-même qu'il est nécessaire de cultiver face à une telle démarche. Reste ensuite à faire preuve d'une grande capacité d'adaptation.

Le contexte du confinement a été un temps de prise de recul. Beaucoup ont pu adopter des résolutions de changement tant dans leur vie personnelle que professionnelle. Pour eux, « le monde d'après » sera différent de celui d'avant. C'est dans l'air du temps. D'ailleurs, les prévisionnistes nous annoncent que les générations Y et Z changeront plusieurs fois de métiers au cours de leur vie. Pour autant, ce qui devrait devenir banal, n'est pas si simple pour les acteurs qui sont dans la vie professionnelle depuis une ou deux décennies, voire plus.

 

S'adapter aux inconvénients du nouveau modèle

 

A l'origine de cette envie de changer, il y a souvent un élément déclencheur qui arrive sur un terreau préparé sur une longue période. D'un côté, l'effet de lassitude lié à la répétition ou le sentiment de plafonner dans son activité actuelle peut pousser à rêver à un ailleurs où l'herbe serait plus verte. De l'autre, la présentation chatoyante d'un nouveau job dont certaines caractéristiques répondent à une aspiration profonde : être indépendant, ne pas avoir de boss, avoir une activité qui correspond à ses valeurs, pouvoir vivre ailleurs que dans un grand centre urbain, choisir son propre rythme, etc. On voit bien ce dont on se débarrasse et les avantages de la situation future. La vraie question est d'avoir à s'adapter aux inconvénients du nouveau modèle. J'ai souvent rencontré des managers ayant fait une première partie de vie professionnelle qui aspiraient à devenir coach. Ils anticipaient tout ce que pouvait leur apporter cette nouvelle activité : leur goût de l'écoute et de l'accompagnement, la satisfaction de faire progresser leur coaché. En revanche, ils réalisaient moins qu'ils allaient devoir développer une activité commerciale consistant à se vendre eux-mêmes. Et que cela leur prendrait une bonne partie de leur temps.

 

Cure de jouvence professionnelle

 

C'est donc d'abord la lucidité sur soi-même qu'il est nécessaire de cultiver face à une telle démarche. Reste ensuite à faire preuve d'une grande capacité d'adaptation. D'abord par rapport au regard des autres. Ils vous considéraient comme ayant un fort niveau de compétences dans votre domaine, et vous devenez débutant. Ensuite par rapport à vous-même, qui passez du contrôle à l'apprentissage. Ce type de transition fait appel à des ressources internes que chacun peut cultiver. L'humilité et la souplesse qui permettent de perdre un statut. La confiance en soi indispensable pour prendre le risque d'un nouvel apprentissage. La persévérance nécessaire face aux phases de découragement. Et enfin l'optimisme.

Se reconvertir est une cure de jouvence professionnelle. La démarche ouvre, stimule, challenge, développe. Elle suppose d'avoir cette liberté d'esprit de ceux qui osent et cette liberté matérielle de ceux qui prennent des risques. Certains ont la chance de pouvoir le faire dans les grandes entreprises, qui, de plus en plus, favorisent les passages entre les métiers. Pour les autres, l'essentiel est de cultiver l'esprit de la reconversion. Se méfier du confort, régulièrement se remettre en question, continuer à apprendre, ne pas céder sur son exigence vis-à-vis de ce qui semble essentiel ; en somme ne pas se laisser vieillir trop vite.