expand

Retraites : pourquoi les Français n'aiment plus travailler - Eric Albert - lesechos.fr

Le travail qui, chez les générations précédentes, était central devient secondaire. On le subit plus qu'on s'y investit. Aux entreprises de redonner envie à ceux qui s'éloignent d'elles, d'une façon directe ou larvée.

Dans le débat sur les retraites, revient la question de la relation au travail. Il apparait intolérable à une grande partie des salariés d'avoir à prolonger la période pendant laquelle ils iront travailler aux dépens du repos de fin de vie.

Certains observateurs suggèrent que c'est avant tout ce sujet qu'il faudrait aborder en amont de celle des retraites. Ils font remarquer que depuis le Covid les choses ont changé.

Si nous n'avons pas eu la grande démission américaine de 4,5 millions de salariés, nous avons tout de même eu 500 000 ruptures de CDI et surtout plus de 50% des salariés déclarent qu'ils souhaiteraient démissionner s'ils le pouvaient. Et ils sont majoritaires à ne pas vouloir prendre le job de leur manager direct. Pourtant le mode de management et les conditions de travail n'ont pas changé depuis le Covid. Comment s'explique cette évolution profonde ?

Symbole de ce qui est pénible dans la vie

Plusieurs paramètres sont à prendre en compte. Le premier vient de la distance prise par chacun lors des périodes de confinement. Ce temps de prise de recul associé à une ambiance, où la mort était omniprésente dans les médias et, pour beaucoup, dans leur vie a conduit à une remise en cause des priorités de vie.

Le travail qui, chez les générations précédentes, était central devient secondaire. On le subit plus qu'on s'y investit. Moins longtemps on y est présent, plus vite on s'en dégage, mieux c'est. Il est devenu une contrainte, plus encore, il symbolise tout ce qui est pénible dans la vie. Ajoutons que pendant les confinements, il y a eu l'effet magique du « quoi qu'il en coûte » : les revenus ont été maintenus sans travailler. C'est donc possible !

Ce phénomène a été accentué par le télétravail, qui ajoute de la distance. En étant moins présent, les acteurs investissent moins leurs relations avec leurs collègues – un des plaisirs importants du travail il n'y a encore pas si longtemps. Résultat : moins de plaisir, plus de perceptions de contraintes, une distance accrue : le travail n'est plus qu'un mal (nécessaire ?). Or prendre du plaisir dans une activité suppose de s'y investir.

Donner envie

Il y un double mouvement à réaliser. Les entreprises doivent partir de ce constat : leurs collaborateurs sont dans un mouvement de distance à leur égard.

Il leur faut donc leur donner envie. Et démontrer que chacun peut se développer, trouver de l'intérêt et de la reconnaissance, progresser et s'inscrire dans une dynamique collective qui donne du sens.

Mais il y a aussi à faire oeuvre de pédagogie auprès des salariés pour leur faire comprendre que le mouvement les concerne aussi. Rester à distance et subir ne leur apporteront qu'ennui et désagréments.