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Retour sur le lieu de travail : ne pas attendre septembre - Eric Albert - lesechos.fr

Il est nécessaire de reprendre, au moins partiellement, une vie sur le lieu de travail avec ses collègues avant la coupure de l'été. En repoussant « le retour à la normale », on augmente d'autant l'anxiété des acteurs.

Entre la découverte du télétravail à plein temps pour certains et le blues du chômage partiel pour d'autres, la sortie de cette période de confinement n'est pas évidente. C'est comme s'il pouvait y avoir une certaine réticence à revenir sur le lieu de travail. Réticence, évidemment accentuée par la situation sanitaire, avec un fond d'inquiétude sur le risque de contracter la maladie ou d'en être porteur. La tentation de certains dirigeants pourrait être de pousser les acteurs à attendre septembre pour retrouver un fonctionnement, certes différent d'avant la crise, mais normalisé sur de nouvelles bases. Cela s'explique à la fois par un souci de protection des équipes, le constat que le télétravail a fonctionné et l'extrême complexité de la gestion des locaux avec des contraintes sanitaires difficiles à respecter à la lettre. Pour ceux qui ont envie de revenir, ce n'est qu'un peu plus d'impatience à gérer mais pour tous les autres ce délai supplémentaire pourrait, en fait, n'être pas si bénéfique. Les conséquences de cette décision sont triples.

Alignement de tous sur de nouveaux objectifs communs

D'une part, cela perpétue un décalage entre ceux qui ont été exposés par leur présence sur le terrain par rapport à ceux qui ont pu se protéger. Attention au clivage col blanc/col bleu. Ensuite, cela fait durer plus longtemps encore les effets du confinement comme une période à part. Période pendant laquelle on est dispensé de présence au travail et où, tant la dynamique collective que la qualité relationnelle entre les acteurs sont beaucoup plus difficiles à entretenir.

Enfin, en repoussant « le retour à la normale », on augmente d'autant l'anxiété des acteurs vis-à-vis de cette perspective. Comme toujours lorsqu'il s'agit de se confronter à une situation génératrice de craintes, le fait de repousser l'échéance soulage à court terme mais ne fait, à moyen terme, qu'augmenter l'inquiétude. Le mois de septembre, juste après une période de vacances, pourrait, à ce titre, constituer un moment de grande tension avec d'un côté, des dirigeants qui n'auront plus que 4 mois pour atténuer les dégâts de la crise, et qui pourraient faire monter la pression, et de l'autre, des équipes qui vont subir la crise de plein fouet, tout en reprenant leur activité dans un cadre qu'elles n'auront plus pratiqué depuis six mois.

Il est donc nécessaire de reprendre au moins partiellement une vie sur le lieu de travail avec ses collègues, avant la coupure de l'été. Ce sera l'occasion pour les équipes de clore, ensemble, cette période si particulière, si chargée émotionnellement, et de se projeter collectivement dans une dynamique future. Cela permettra aussi de préparer cette fameuse rentrée de façon concrète et pragmatique avec des changements dans la façon de travailler ensemble et en cherchant un alignement de tous sur les nouveaux objectifs communs. Pour être plus serein, il ne faut pas « éviter » mais au contraire s'exposer, de façon progressive et accompagnée, à ce que l'on redoute.