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À qui la faute ? - Eric Albert - lesechos.fr

Les entreprises doivent préparer les acteurs à considérer les erreurs en raisonnant non pas de façon linéaire mais systémique.

L'affaire du loupé gouvernemental sur le congé pour deuil d'enfant est illustrative de tout ce qu'il ne faut pas faire face à l'erreur. Commençons par l'opposition qui, face à une erreur résultant d'un dysfonctionnement – qui a été reconnu – tire à boulets rouges sur le thème de « Qui fait des erreurs est nul ». Que celui qui n'a jamais commis d'erreur et est sûr de ne plus en faire, s'autorise à tirer des jugements de valeur !... Mais c'est au sein de la majorité que la réaction a été la plus instructive : chacun s'est drapé dans sa dignité pour considérer que la « faute » venait de l'autre, ce qui a accentué les tensions et les incompréhensions entre les acteurs. Bilan : une ministre qui dit qu'elle a « pris cher », un Premier Ministre qui s'autorise à parler publiquement comme Cambronne et des députés qui considèrent avoir été « piétinés ». Le niveau émotionnel est monté et, avec lui, les accusations mutuelles.

Cette situation est caractéristique d'une organisation sous tension, une organisation confrontée à une erreur dont les conséquences sont fortes, en termes d'image, pour les protagonistes. En l'occurrence, le Président considérant qu'il ne fallait pas manquer d'humanité, pouvait laisser entendre que certains pourraient en manquer. Dès lors, chacun se protège et tente de se dédouaner aux dépens des autres, une situation très fréquente en entreprise. Les conséquences sont doubles.

Interfaces critiques

D'abord, on constate une dégradation des relations entre les acteurs qui, après s'être mis en cause mutuellement, gardent un ressentiment mutuel. Ensuite, cela empêche de façon très concrète d'analyser l'erreur. Il est en effet rarissime qu'elle soit le fait d'un seul. C'est presque toujours aux interfaces que le dysfonctionnement se situe. Les acteurs ne se concertent pas, s'informent insuffisamment et, finalement, se comprennent mal. Comme l'analyse n'est pas faite et qu'en plus, les tensions sont exacerbées, il est fort probable que l'erreur va se reproduire.

Bien souvent, la tentation du dirigeant est d'y répondre par un ajustement organisationnel. Ou par un changement d'hommes. C'est parfois utile. Mais c'est beaucoup plus coûteux et moins formateur que de faire travailler les acteurs sur la recherche des interfaces critiques et sur une évolution des comportements au sein de ces interfaces.

Dès qu'une organisation est sous tension, elle se met en risque de voir surgir une dégradation relationnelle entre ses membres. Or, comme toute organisation se trouvera dans cette situation un jour ou l'autre, il est fondamental de préparer les acteurs à gérer les erreurs dans un tel contexte. La démarche suppose de raisonner non pas de façon linéaire – une cause donne un effet – mais de façon systémique – chacun contribue au mécanisme de l'erreur.