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Maîtriser les symboles, le must des leaders - Eric Albert - lesechos.fr

Ce que tout dirigeant fait est interprété, chacun cherche à y donner un sens. Dommage qu'assumer la dimension symbolique d'un tel rôle soit l'une des dimensions du leadership la moins développée.

En se rendant à Kiev, le président américain Biden fait, avant tout, un acte symbolique.

Cela ne changera rien à sa conviction personnelle de la nécessité d'aider l'Ukraine, ni aux montants et au contenu de cette aide. Ce qui compte, c'est l'impact psychologique de la présence du président américain dans cette capitale en guerre contre la Russie.

Il fait un long voyage, il s'expose personnellement, il consacre du temps à son allié et il vient dans le centre névralgique de la lutte ukrainienne.

Cette dimension symbolique du pouvoir est sous-estimée par les dirigeants. Surtout ceux de la nouvelle génération qui ont construit leur leadership sur une très grande proximité avec leurs équipes, avec des contacts quotidiens et une grande familiarité. Une proximité qui donne l'illusion, dans la forme, d'une relation horizontale dépouillée de la distance hiérarchique qui peut être présente dans les grands groupes.

Cette apparence est trompeuse, car quelle que soit la familiarité des relations, tout individu en position de pouvoir est observé. Il est fondamental pour un dirigeant de prendre la mesure de la dimension symbolique de son positionnement dans l'organisation.

Tout est objet d'interprétation.

Ce que le leader fait est interprété, chacun cherche à y donner un sens. À commencer par l'usage de son temps, du nombre de tête-à-tête passés avec les uns ou les autres, des rencontres (ou pas) avec les acteurs de terrain, du soutien apporté à telle ou telle équipe... De la marque de sa voiture à sa façon de dire bonjour, tout est objet d'interprétation.

Tout dirigeant doit comprendre que ce qui peut être considéré, par lui, comme des détails peuvent avoir des répercussions inattendues. C'est ainsi qu'un leader qui a passé le confinement dans sa résidence secondaire alors que la plupart des acteurs de l'organisation qu'il dirige étaient en première ligne, a perdu beaucoup de sa crédibilité. Et que tel autre, qui « se surclasse » lors de ses déplacements en avion montre qu'il ne se mêle pas au reste de l'équipe.

Cette dimension symbolique suppose que l'on explicite le sens de ce qui est fait. Car trop souvent les dirigeants pensent que ce qui est évident pour eux l'est pour l'ensemble des collaborateurs.

Ainsi celui qui a licencié un membre de son équipe de direction est persuadé que tout le monde a bien compris que c'est en raison d'un comportement dysfonctionnel. S'il ne l'explique pas clairement toutes les interprétations courront.

Assumer la dimension symbolique de son rôle est l'une des dimensions du leadership qui est la moins développée. Il est fondamental que les dirigeants en prennent la mesure, car la puissance du symbolique est considérable.