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L'exemplarité du patron est un prérequis - Eric Albert - lesechos.fr

Celui ou celle qui s'astreint à se montrer exemplaire acquiert de l'autorité. L'inverse insinue le doute, le questionnement sur l'authenticité de ce qui est montré et sur la vérité de ce qui est dit. Et le doute réduit la confiance et l'adhésion.

Lorsqu'on interroge des dirigeants sur ce qui est important dans leur mode de leadership, le thème de l'exemplarité revient systématiquement.

Le terme est flou, ou du moins peut être interprété de différentes manières. Mais globalement, il signifie que le dirigeant doit être un modèle. Chacun doit pouvoir s'y référer notamment sur le plan comportemental. Dès lors l'épisode de la rémunération annuelle de Carlos Tavares pose un sérieux problème.

Doute et autorité

Rappelons qu'il a accepté plusieurs dizaines de millions d'euros – certes avec une partie décalée dans le temps – alors que l'assemblée générale a voté, en majorité, contre. Quelle exemplarité le directeur général de Stellantis donne-t-il alors à l'ensemble de ses équipes ?

Il n'est pas question ici de discuter la qualité du travail ni les performances de l'entreprise mais le symbole qui se dégage d'un tel choix. Quelles que soient les justifications, chacun ne peut y voir qu'une aspiration à un enrichissement personnel éclair financé par l'entreprise. Certes, on nous dira que, dans les pratiques anglo-saxonnes, ces montants sont habituels. Seulement nous sommes en Europe.

L'autorité de Carlos Tavares ne sera plus la même, surtout lorsqu'il faudra demander aux acteurs de l'entreprise de faire des efforts. Car celui ou celle qui s'astreint à se montrer exemplaire acquiert de l'autorité. L'inverse insinue le doute, le questionnement sur l'authenticité de ce qui est montré et sur la vérité de ce qui est dit. Et le doute réduit la confiance et l'adhésion.

Une question de mesure

Plus l'autorité d'un leader diminue, plus il se trouve obligé d'imposer son point de vue et les mesures qui lui semblent nécessaires. Comment demander aux dirigeants, dans le futur, de s'investir, voire de faire preuve d'une certaine abnégation pour l'intérêt supérieur de l'entreprise, alors que le patron montre que son intérêt personnel prévaut ?

Au-delà du cadre de l'entreprise elle-même, ce type de situation donne une vision délétère du capitalisme sur un plan sociétal et nourrit les ressentiments populistes. Ce qui, dans le contexte actuel, est une façon de jouer avec le feu.

Nous savons toutefois qu'un patron de grand groupe travaille en moyenne 60 à 70 heures par semaine, qu'il évolue dans un système de contraintes très fortes et que son talent est décisif pour la réussite de l'entreprise. Tout est donc une question de mesure et l'un des bons indicateurs est le vote de l'assemblée générale.