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Les effets délétères de la peur du chef - Eric Albert - lesechos.fr

Tout patron peut avoir des moments d'expression de son agacement et ne pas en mesurer complètement la portée. Mais la peur qu'il provoque, avec la conviction qu'elle le protège, peut in fine le conduire à l'échec.

Cette guerre, prévue pour durer quinze jours, s'enlise. L'armée russe montre que la puissance de feu ne suffit pas. Tout repose sur les hommes. À l'inverse, la motivation, l'agilité, la détermination permettent aux Ukrainiens de résister mieux que prévu. Au point que le monde entier semble surpris de la résistance de la carafe en céramique en forme de coq contre le pot de fer.

Le premier surpris est Vladimir Poutine. Après avoir déclaré qu'il renverserait le régime ukrainien, il a dû revoir ses objectifs à la baisse. Et on peut imaginer ce que son premier cercle a dû vivre ces dernières semaines. D'ailleurs, le ministre de la Défense a disparu des radars médiatiques pendant plusieurs semaines.

Magnifique paradoxe

Ce faisant, il accentue un peu plus ce qui est à l'origine de cet échec. À l'évidence, il avait une idée fausse, tant de l'état de son armée que de celle de son adversaire. Comme il ne prend pas ses informations sur le terrain, c'est donc que celles qu'on lui a transmises étaient erronées.

Probablement pas pour vouloir le tromper, mais pour ne pas le contrarier, ne pas provoquer son ire, voire tomber en disgrâce. Magnifique paradoxe : c'est la peur qu'il provoque, avec la conviction qu'elle le protège, qui pourrait provoquer sa chute ou en tout cas son échec.

Réticence à tout dire

Cette peur de parler au chef est très banale dans les entreprises. Sans en arriver aux extrêmes poutiniens, il n'est pas rare qu'il existe une réticence à tout dire au chef. Chacun anticipe ses réactions et les redoute plus ou moins.

Tout repose sur la façon de présenter les choses. Un art s'est développé dans une forme d'omission ou d'atténuation des messages sensibles.

Cela vient, bien sûr, du style relationnel qui s'est installé entre le boss et ses équipes. C'est parfois très ténu. Alors qu'il était fatigué et préoccupé, le dirigeant fait une remarque perçue comme sèche, voire dévalorisante, l'émotion provoquée est mémorisée. Et sans même qu'elles se le formulent explicitement, les équipes tenteront par la suite de ne plus avoir à subir la même chose. Tout cela est non-ditimplicite, mais pas moins présent.

Feedback pour tous

Tout chef peut avoir des moments d'expression de son agacement et n'en mesure jamais complètement la portée. C'est pourquoi, il lui faut donner un cadre explicite à ses collaborateurs, et le répéter souvent.

Il doit préciser que personne ne se met en danger par le contenu de ce qu'il exprime, plus encore, il est demandé à chacun, non seulement de faire remonter toutes les informations utiles, mais aussi d'exprimer ses désaccords éventuels. Enfin, la culture du feedback concerne évidemment le dirigeant lui-même.