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La santé ne suffit pas - Eric Albert - Les Échos

Dans le contexte actuel, toutes les énergies sur le déconfinement sont centrées sur la prévention de la transmission de la Covid. Tout le monde ne parle que masques, distances de sécurité et gel hydroalcoolique. C’est certes le sujet premier. D’un point de vue individuel, il s’agit de ne pas tomber malade et d’un point vue collectif de ne pas relancer l’épidémie. Quant à l’entreprise elle se doit de garantir les conditions de sécurité pour ses collaborateurs, ce qui est souvent très complexe d’un point de vue concret. Le risque serait d’être tellement préoccupé par toutes ces questions pratiques difficiles à résoudre qu’on oublie de prendre en compte les conséquences du confinement sur les individus.

Elles sont très variées. Pour certains, le chômage partiel a permis une récupération bien venue, pour d’autres la surcharge de travail a été immense, d’autres encore ont mal vécu la promiscuité ou d’avoir à faire l’école à leurs enfants, etc. Il est important d’organiser un temps de débriefing en équipe constituée, pour que chacun entende comment les uns et les autres ressortent de cette période notamment sur le plan émotionnel. Puis, en fonction de la situation de chacun, l’entraide mutuelle peut s’organiser.

Ensuite l’équipe peut échanger sur les nouvelles manières de travailler qui ont émergé pendant le confinement. Qu’est-ce qu’il en ressort comme enseignement positif ? En quoi le télétravail et la crise a permis d’être sur certains sujets plus agile, plus direct dans les relations, plus rapide pour prendre des décisions ? Et donc qu’est-ce que l’équipe décide de garder comme bonnes pratiques pour ne pas retomber dans une routine d’avant la crise qui résultait de couches superposées d’habitudes difficiles à remettre en cause ?

Enfin, la reprise se fait sous tension économique. Pour la plupart des entreprises, le confinement a été marqué par une chute sensible du chiffre d’affaire. La pression va être très forte pour d’un côté faire des économies et de l’autre pour « rattraper » tout ce temps perdu. Il est probable que les équipes vont se trouver fortement sous pression avec le spectre de la nécessité de faire des plans de réductions d’effectifs. Donc le contexte le pire pour bien travailler en équipe : grosse charge de travail dans une ambiance d’insécurité. Il est donc essentiel de reprioriser collectivement pour aligner tous les acteurs sur des objectifs communs et de se donner un cadre qui permet à l’équipe d’être attentive à chacun de ses membres.

Pour la première fois, les entreprises ont été obligées par les gouvernements de faire passer les individus avant la prise en compte des enjeux économiques et financiers. Ces derniers s’étant considérablement dégradés, le risque de voir la préoccupation des dirigeants se centrer exclusivement sur ces enjeux, est fort. Pourtant, cette crise a révélé que dans la tempête le bateau ne tient que par l’engagement, la créativité et l’efficacité des acteurs. Pour maintenir cette dynamique, il est essentiel de montrer qu’on ne limite pas l’intérêt que l’on porte aux salariés à leur santé mais à ce qu’ils sont en tant qu’individus émotionnels et relationnels.