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Gouvernance - Eric Albert - Les Echos

Les débats autour de l’élection du prochain patron du Medef et certaines dispositions de la loi Pacte concernant la finalité des entreprises posent, notamment, la question du type de gouvernance des entreprises.

Si l’on veut caricaturer le débat : d’un côté, les tenants du capitalisme traditionnel qui donne tout pouvoir aux propriétaires et à celui qu’ils ont mandaté sur le plan opérationnel ; de l’autre, un modèle plus inspiré des pratiques allemandes où les partenaires sociaux participent aux décisions stratégiques concernant l’entreprise. Un tel modèle s’élargit à la prise en compte de l’intérêt des autres parties prenantes.

En France, il semble que la majorité du patronat soit sur une position traditionnelle. Pourtant, sur le plan managérial, presque tous ont fait l’expérience de la puissance des pratiques participatives. Ils savent que plus les collaborateurs sont associés, plus ils sont engagés. Toute la démarche du lean management, notamment, repose sur ce principe et fait progresser les pratiques à partir du terrain. Mais lorsqu’il s’agit de la gouvernance de l’entreprise, on se heurte à des oppositions rigides et sans nuance. Le succès de l’expérience allemande et sa résilience dans une économie mondialisée sont balayés par ceux qui ne veulent pas de cette gouvernance. Ils mettent en avant la différence culturelle et la maturité des partenaires sociaux outre-Rhin. Pourquoi de telles réticences des dirigeants ? La première explication est la peur. On parle de faire entrer le loup dans la bergerie. Comme si les partenaires sociaux, qui participeraient de façon plus étroite à la gouvernance, se révélaient des prédateurs.

ET APRÈS ?

Cette peur est le reflet de deux fragilités. Il y a d’abord la crainte de ne pas arriver à convaincre, ou plutôt de n’avoir à convaincre que des interlocuteurs du même milieu et du même environnement que soi. Ensuite, celle de maintenir secret ce qui doit l’être. Pourtant, Carlos Ghosn disait récemment que ceux dont il craignait le moins la révélation des contenus des conseils d’administration étaient les représentants des salariés. La tentation de l’exercice solitaire du pouvoir et de la réduction, au maximum, des espaces de contestation est toujours le reflet d’une faiblesse. Elle organise un dispositif où les sources de challenges sont neutralisées. Ce qui appauvrit le débat, et donc limite la puissance des décisions. Alors que le thème de la diversité est reconnu par tous comme important, dans les plus hautes sphères du pouvoir, la tendance au confort de l’entre-soi est forte.

Favoriser la présence de salariés aux conseils d’administration, c’est aussi prendre acte que l’entreprise n’est pas une propriété comme une autre. C’est un organisme vivant au sein duquel se forgent des destins d’individus.

Le monde d’aujourd’hui se construit avec les acteurs qui le composent. Les dirigeants qui ont peur de cette réalité vivent dans le passé comme les partenaires qu’ils dénoncent à chaque fois qu’ils s’opposent au changement. Faire participer, donner envie, convaincre est au cœur du leadership actuel. Espérons que le nouveau patron du Medef en sera convaincu et qu’il entraînera ses pairs dans cette voie.