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Faire évoluer la culture - Eric Albert - Les Echos

Devant la restitution qui lui est faite des entretiens menés auprès des cadres dirigeants du groupe qu'il dirige, le CEO s'agace : « C'est incroyable, ils se plaignent d'un manque de coopération, mais ce sont eux les dirigeants ! S'ils veulent coopérer, rien ne les y empêche, au contraire ! D'ailleurs, je leur dis tout le temps… » La réaction semble de bon sens. Comment se fait-il que des cadres dirigeants ne se saisissent pas de sujets aussi importants et qu'ils s'en plaignent comme s'ils en étaient victimes ?

Rien ne permet pourtant de dire qu'ils ne sont pas responsables. Au contraire, chacun d'entre eux prend très à coeur de tenir ses engagements. Cependant, comme l'ensemble des salariés, les dirigeants subissent la culture de l'entreprise. Consensus collectif sur les comportements jugés efficaces et ce qu'il est important de faire pour s'intégrer, la culture d'entreprise n'est, bien souvent, pas formulée ; elle est comprise et adoptée sans être explicite. Ainsi, dans cette entreprise, le fonctionnement en silo s'est montré très adapté et a produit de bons résultats. C'est pourquoi, la culture de l'entreprise repose sur un principe structurant : se centrer sur son entité et faire en sorte qu'elle délivre - rien d'autre n'est vraiment important. A celui qui pourrait se mêler de ce que font les autres, on fait comprendre qu'il dénote. Sauf que le contexte a changé. L'entreprise doit à la fois se montrer plus agile et plus créatrice de valeur. Dès lors, le modèle ancien n'est plus adapté. C'est cela que perçoivent les cadres dirigeants mais aucun d'eux individuellement ne peut aller contre la culture établie. Et les injonctions du CEO ne changent rien. Le risque est alors d'entrer dans une longue période où tout le monde pense qu'il faut changer des choses et se plaint des dysfonctionnements. Sans que rien ne bouge.

Faire évoluer la culture d'une entreprise ne peut passer que par une démarche collective qui s'organise. Pour commencer, il est nécessaire d'expliciter la culture en cours, puis de porter un regard critique sur ses ingrédients, qui ont, certes, fait le succès passé mais qui ne sont plus adaptés. Concevoir qu'il faille changer est assez facile, pratiquer le changement est autre chose. Car les comportements sont devenus des réflexes. Et même, lorsque rationnellement, il paraît évident qu'il faut évoluer, au quotidien, la force des habitudes revient.

Et après ?

Ce qui est difficile à réaliser seul est facilité par le collectif. Tout le monde parle du changement, on commente la façon de mettre en oeuvre l'évolution. On échange sur les difficultés à l'adopter, qui relèvent à la fois d'une peur à lâcher l'ancien modèle et d'un manque d'aisance dans les nouveaux comportements.

C'est collectivement que les dirigeants peuvent faire évoluer la culture d'entreprise. Cela nécessite qu'ils l'admettent, s'en parlent et prennent le temps d'élaborer ensemble. Ensuite, la démarche est à la fois managériale - pour favoriser l'appropriation par leurs équipes - et individuelle. Car tant qu'un dirigeant ne montre pas qu'il change, son discours n'est qu'une injonction éphémère.