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Etre aimé - Eric Albert - Les Echos

Parmi les qualités reconnues à notre nouveau président, ses capacités de séduction sont souvent citées. De fait, ceux qui l'ont approché semblent pris par le charme et à l'évidence le jeune chef d'Etat, qui a parlé d'amour dans son premier discours, cherche à être aimé. Il n'est pas le seul.

La plupart des dirigeants sont sensibles aux marques d'affection qu'ils suscitent. C'est humain. Reste à savoir la place que prend cette préoccupation dans la façon de remplir son rôle.

D'un côté le dirigeant qui veut plaire. Très soucieux de son image, il est attentif à tout ce qu'il dit et fait. Tout ce qui pourrait heurter ou choquer ses interlocuteurs, il l'évite. Ce qui est déplaisant vient toujours d'ailleurs : des circonstances, d'autres parties prenantes, des partenaires, etc. Et s'il a à le mettre en oeuvre ? C'est qu'il « n'a pas le choix ». Pour ne pas être exposé, il s'entoure de quelques collaborateurs qui assument le mauvais rôle.

A l'opposé de cette attitude, les dirigeants qui considèrent qu'il faut « les prendre tels qu'ils sont ». Peu sensibles à l'effet qu'ils produisent, ils tracent leur route. Souvent directs voire brutaux dans leur expression, ils sont avant tout préoccupés par le but à atteindre, et ne pensent devoir être jugés que sur leurs résultats. Donc peu importe ceux qu'ils bousculent en avançant.

Ni l'un ni l'autre de ces fonctionnements caricaturaux n'est efficace à terme. Le premier, dont la surface lisse ne fait que révéler la vacuité, et le second, qui ne donne pas envie de travailler avec lui.

Tout l'enjeu est de ne pas confondre plaire et être apprécié. Dans le premier cas, chaque action est choisie en fonction des attentes présumées de l'autre. La question de l'efficacité s'efface au profit du service de son image personnelle. Or, le rôle de dirigeant suppose d'accepter de déplaire. Plus encore, il est parfois nécessaire de provoquer des émotions négatives autour de soi. L'annonce d'un changement qui va perturber ses collaborateurs, la décision de licencier, le refus de lancer certains projets... les sujets ne manquent pas où le dirigeant peut provoquer du ressentiment à son égard. Savoir l'assumer fait partie de son apprentissage et de sa responsabilité. Et ce, bien sûr, avec son entourage proche, que l'on côtoie au quotidien. Si tout cela doit pouvoir être assumé par le dirigeant, l'enjeu est la façon dont il le fait. C'est en étant très attentif à l'attention qu'il porte à l'autre dans tous ces moments désagréables que le dirigeant peut garder l'estime de ses équipes. Car c'est bien d'estime et de reconnaissance de sa valeur ajoutée qu'il devrait être question, et non pas d'affection.

Et après ?

Plaire répond à une exigence intérieure du registre narcissique. C'est une quête, jamais satisfaite, qui consiste à pousser toujours plus la séduction. Elle égare celui qui la mène. Reste que l'affection émerge souvent dans la vie professionnelle, mais elle doit venir de surcroît. Elle n'est pas une finalité, mais simplement la résultante de l'interaction entre êtres humains.