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Dirigeants, maitrisez-vous la pédagogie du changement ? - Eric Albert - lesechos.fr

Chercher à tout changer conduit à l'échec et à l'immobilisme. La conduite du changement requiert des qualités de pédagogue, elle ne doit pas se faire brutale.

La crise que nous traversons a montré à quel point l'appareil d'Etat, englué dans des lourdeurs et ses règles internes, est inapte à s'adapter à des situations particulières. Ce n'est pourtant pas faute de vouloir le réformer. Chaque nouveau président a toujours, dans son programme, de fermes résolutions sur le sujet. Mais il a très peu fait lorsqu'il le quitte. Entre-temps, commissions et tentatives se succèdent et tombent à l'eau.

Dans l'entreprise, les choses se passent différemment, le nouveau chef change presque systématiquement l'organisation à son arrivée, avec la conviction que c'est la solution. Ce changement offre au moins l'avantage de casser les routines et de redistribuer partiellement les responsabilités, mais bien souvent les habitudes antérieures reprennent avec les mêmes défauts que ceux qui ont justifié la réorganisation. Il y a schématiquement deux façons de faire changer un système.

La peur ou la nécessité de changer

La première repose sur la peur. Sous la pression qui provoque une forte inquiétude, les acteurs s'adaptent. Cette pression est soit extérieure (comme la crise du Covid) soit hiérarchique (comme le risque de licenciement). Les consultants l'ont théorisée sous l'appellation de « burning platfom ». Nous sommes ensemble sur une plateforme qui brûle, donc nous n'avons donc pas le choix, il faut changer. La seconde s'appuie sur la conviction des acteurs de la nécessité de changer. Cette méthode est beaucoup plus complexe à mettre en forme. D'abord, parce qu'il faut que la majorité partage cette même conviction. Il y a donc tout un temps de prise de conscience collective qui passe par une réflexion et un échange des acteurs sur les avantages et les risques de continuer sans changer. Ensuite, parce qu'il faut limiter le changement à quelques dimensions. Chercher à tout changer conduit à l'échec et à l'immobilisme. Enfin, parce qu'il faut une méthode et un accompagnement des acteurs qui vont se trouver en difficulté.

Très grande détermination

Soulignons enfin que le changement se conduit sur l'ensemble du système et concerne, au premier chef, les dirigeants eux-mêmes. Mais, la plupart du temps, ils considèrent qu'ils ont déjà adopté les bons comportements et sont souvent les premiers à résister dès lors que cela les touche directement.

La méthode brutale n'est ni souhaitable ni acceptable. Il s'agit donc d'entraîner les acteurs dans le changement, mais surtout de le conduire avec une très grande détermination, car il y aura des difficultés, des tentatives de retour en arrière, des découragements des acteurs. Cette dimension laborieuse et longue du changement est toujours sous-estimée et c'est ce qui mène à l'échec. Pis, à la conviction qu'on ne peut pas changer, car on a déjà essayé. La pédagogie du changement devrait être une compétence que tout dirigeant qui accède à des responsabilités maîtrise.