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Décider de tout, un plaisir qui a ses limites - Eric Albert - lesechos.fr

Le dirigeant est rassuré par le contrôle qu'il exerce sur ses équipes, qui lui font tout valider et évitent ainsi de s'exposer. Un système qui forcément trouve ses limites.

L'histoire se passe dans l'une de ces entreprises jeune et à très forte croissance. Le boss est ingénieur avec un goût prononcé pour tous les sujets techniques. Plus encore, il aime par-dessus tout résoudre les problèmes. Tous les problèmes. Ce qu'il fait beaucoup mieux que ses équipes, ayant l'historique et surtout ayant cultivé une capacité exceptionnelle à le faire.

Naturellement tout le monde a pris l'habitude de lui faire remonter d'abord les sujets complexes, puis peu à peu la plupart des prises de décisions.

Résultat : ses équipes stagnent et ne prennent plus aucune initiative. Elles attendent de pouvoir en parler au chef. Si, en vérité, tout le monde déplore les limites de ce fonctionnement, le changement ne va pas de soi.

Passer du dysfonctionnel au vertueux

D'abord parce que ce mode d'organisation fonctionne. L'entreprise a atteint des niveaux de croissance exceptionnels et sa valorisation s'est considérablement renforcée. Pourquoi changer ce qui marche ?

Ensuite parce que finalement tout le monde y trouve son compte ou du moins a le sentiment de minimiser les risques. Le boss, en voyant tout, est rassuré par le contrôle qu'il exerce ainsi ; ses équipes, en lui faisant tout valider, évitent de s'exposer. L'équation est apparemment gagnante pour tous. En fait, c'est de la facilité.

Force est de constater que, bien souvent, un système se perpétue au prix d'une surcharge et de tensions. Changer est difficile à un double titre.

Premièrement, parce que cela insécurise tous les acteurs qui ont trouvé un mode travail qui leur convient. En second lieu, parce que le changement ne peut donner de résultats que si tous les acteurs évoluent en même temps.

Autrement dit, cela nécessite de passer d'une boucle de rétroaction mutuelle dysfonctionnelle à une boucle vertueuse. Ce qui suppose que tous soient bien conscients de la situation et s'accordent sur la nécessité d'agir autrement.

Montée de l'inquiétude

Le changement doit se faire de façon très progressive. Car il va faire monter l'inquiétude de chacun, avec le risque qu'elle conduise à se replier sur des habitudes rassurantes.

Tant que chacun n'a pas trouvé des bénéfices au nouveau mode de fonctionnement et une relative quiétude, tout peut s'inverser, à nouveau, à tout moment.

Si chacun est convaincu que la subsidiarité est un principe efficace, voire indispensable, elle est rarement mise en place. Car pour changer, il faut prendre du recul et du temps, et parfois accepter de se faire accompagner.