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Attention, l'écoute sans dialogue est une illusion d'échange ! - Eric Albert - lesechos.fr

Pour bien écouter il faut s'autoriser à interrompre, à pousser l'autre dans ses retranchements, à vérifier que l'on n'interprète pas ce qui est dit à tort.

Il y a quelques semaines, il y a eu une polémique sur des réunions au sein desquelles, en fonction de son genre ou de la couleur de sa peau, on pouvait ou pas s'exprimer. Ceux dont les propos avaient été mis en cause se sont défendus en disant que pour écouter, il fallait se taire. Cette vision de l'écoute est très restrictive et passive. Et finalement dangereuse. Car écouter en se taisant ne garantit en rien de comprendre ce qui a été exprimé.

Plus que jamais dans la société et dans l'entreprise, la question de l'écoute mutuelle est au premier plan. Lorsqu'on demande aux managers sur quels comportements il faut le plus progresser, presque toujours l'écoute arrive dans le tiercé de tête. C'est comme si l'enjeu pour chacun était, avant tout, de s'exprimer voire d'imposer son point de vue en ne se laissant pas entraver par les autres.

On pense avoir compris

Dès lors des règles sont fixées : ne pas interrompre, laisser chacun s'exprimer, pratiquer le tour de table sur chaque sujet, etc. Et on constate que lorsque chacun s'exprime, les autres membres de la réunion se taisent, mais... font autre chose. Plus passionnés par ce que leur mobile contient comme informations que par celles communiquées, en direct, par leur collègue. D'ailleurs chacun a pu constater qu'il lui est arrivé de manquer d'attention à l'écoute d'un pair et d'avoir été plus préoccupé par faire semblant d'écouter que par chercher à s'intéresser au contenu du discours. On garde toujours quelque chose d'approximatif de ce qui a été exprimé, pire on pense qu'on a compris alors qu'il n'en est rien.

Questionner, reformuler, rebondir

Tant que l'on considèrera l'écoute comme une activité passive qui se définit principalement par se taire, il en sera ainsi. Car, il ne s'agit pas tant d'écouter que de comprendre. Autrement dit ne pas recevoir passivement un discours avec l'illusion qu'on l'a saisi mais questionner, reformuler, rebondir sur ce qui est dit par l'autre. L'écoute sans le dialogue est une illusion d'échange. Elle ouvre plus au malentendu, chacun interprétant avec sa propre grille de lecture ce qui est exprimé par les autres. Pour bien écouter il faut s'autoriser à interrompre, à pousser l'autre dans ses retranchements, à vérifier que l'on n'interprète pas à tort.

Rien n'est pire que de se tromper de finalité. À répéter à l'envi qu'il faut écouter, on encourage implicitement le désintérêt pour l'autre. N'hésitez pas à me questionner si cette chronique n'est pas claire !