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Affaire Le Graët : de l'importance des contrepouvoirs - Eric Albert - lesechos.fr

Plus le pouvoir est solitaire, plus l'organisation est fragile. C'est la leçon que nous apprend, à son corps défendant, Noël Le Graët, président – aujourd'hui en retrait – de la Fédération française de football.

Le dernier dérapage de Noël Le Graët (en retrait mais toujours président de la FFF, la Fédération Française de Football) après de nombreux autres, montre les effets délétères de la toute-puissance.

Nul doute que, installé depuis plus de 10 ans dans son poste de président, il a choisi et il « contrôle » tous les administrateurs qui gravitent autour de lui. Cette maîtrise totale, sans réel contrepouvoir, dérive – comme souvent – vers l'hubris du dirigeant, qui ne connait plus de limites.

Deux pièges se referment sur ce type de leaders qui conduisent progressivement à le déconnecter de son environnement.

Absence de remise en cause

D'abord, la jouissance du pouvoir. Décider de tout, sentir que son entourage est dépendant de soi, provoquer des phénomènes de cour, exercer son pouvoir comme bon lui semble... On finit par ne lui dire que ce qu'il a envie d'entendre et tout est fait pour valoriser ce qu'il fait. Inévitablement, cette situation le conduit à se croire indispensable.

Ensuite l'absence de remise en cause. Lorsque cela est le cas, le dirigeant cesse de progresser, donc il vieillit plus vite. Cela donne un vieil autocrate à la tête de l'organisation. Il en est d'autres à la tête de pays et on voit ce que cela donne.

Il y a une logique à ce que le dirigeant cherche le pouvoir. Homme (parfois femme) d'action, il a besoin de tous les instruments pour mettre en oeuvre, lancer, faire bouger puis contrôler et choisir les acteurs avec lesquels il veut avancer. Tout contrepouvoir est perçu comme un frein qu'il supporte mal et balaie d'un revers de main.

Rôle des conseils d'administration

On trouve volontiers ce profil chez les entrepreneurs qui, de plus, contrôlent leur capital. Mais cela existe aussi chez des patrons installés depuis longtemps à leur poste.

Ils y ont fait leurs preuves. Souvent ils réussissent très bien dans un premier temps, ce qui les conforte et les encourage à continuer sur le même modèle.

Le dirigeant s'assimile alors à son entreprise et sans même s'en rendre compte, ne raisonne plus que par rapport à son propre intérêt en pensant que c'est celui de l'organisation. Ses angoisses, ses éventuels troubles de la personnalité, ses obsessions deviennent les moteurs de tout le système. Il ne se renouvelle pas (ou plus) et applique les recettes du passé.

Les contrepouvoirs évitent cette dérive toute puissante, qui conduit toujours à des contreperformances.

Les conseils d'administration devraient être évalués à leurs capacités à véritablement contrebalancer la toute puissance d'un numéro un. C'est encore plus vrai lorsque le dirigeant est depuis longtemps en place.