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Travail : attention, risque de démissions ! - Eric Albert - lesechos.fr

Pour enrayer ce risque, l'attractivité du travail – qui était jusqu'alors limitée à ceux que l'on qualifie de « talents » ou de « hauts potentiels » – doit s'étendre à chacun.

Il semble que ce soit inédit. Aux États Unis, 5 millions de salariés ont démissionné à l'occasion de la crise du Covid. Certes, des économistes expliquent qu'ils ont bénéficié de la montée de la Bourse et de l'immobilier pour profiter de « l'effet de richesse ». Mais ce phénomène en dit long sur la relation au travail.

La France, pour sa part, ce pays où la plupart ne rêve que d'avancer la date de départ à la retraite, n'est pas en reste. Certes, le travail est une contrainte qui est vécue de façon plus ou moins pesante. Pour autant, beaucoup y trouvent aussi des sources d'épanouissement, de sentiment d'utilité, de relations sociales, de capacités à réaliser des projets, d'apprentissage, etc. Au-delà de la rémunération attendue, si le travail peut avoir un effet repoussoir, il est urgent pour les employeurs de s'interroger. Car, plus les salariés y viennent sous la contrainte, plus la relation est potentiellement conflictuelle et la productivité basse.

Rôle du dirigeant, soigner l'attractivité de l'entreprise

La grande démission des équipes fait ainsi écho à la grande démission des dirigeants de mettre une dimension attractive dans le travail. Depuis des décennies, le rapport de force est clairement du coté de celui qui offre un emploi. Ce qui n'encourage pas à faire des efforts et résume la question de la motivation à celle de la rémunération. Très peu d'entreprises ont pris le sujet de la motivation intrinsèque à bras le corps. Celle-ci s'oppose à la motivation extrinsèque en ce qu'elle repose sur la satisfaction de réaliser une tâche plus que sur la récompense espérée. Les recettes pour la stimuler sont connues : donner du sens, accorder de grandes marges de manoeuvre aux acteurs, renforcer positivement leur contribution, créer un esprit d'équipe, etc. La crise que nous venons de passer exacerbe ce besoin de trouver un équilibre. Équilibre entre la contrainte financière de chacun qui a besoin de gagner sa vie, et cette aspiration à ne pas la gâcher en passant ses journées à faire un métier dont on rêve de s'échapper.

L'attractivité du travail qui était jusqu'alors limitée à ceux que l'on qualifie de « talents » ou de « hauts potentiels » doit s'étendre à chacun. Les dirigeants, qui s'enferment dans le confort des deux ressorts que sont le rapport de force et la rémunération, gèrent à court terme et appauvrissent progressivement leur organisation. L'attractivité de leur entreprise et la promotion qu'en font les salariés prêts à la recommander à leurs proches, devraient constituer des éléments importants de l'évaluation de leur performance.