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Tech et modèles de management -Eric Albert - Les Echos

Parmi les très nombreux thèmes présents à l’événement VivaTech, le management était partiellement présent à travers deux sujets : l’empowerment et le bien-être et la santé. Est-ce à dire que le management se limitera à ces deux questions dans l’avenir ?

Pourtant la tech est déjà présente sur les sujets de management. La gestion des ressources humaines cherche à agir vis-à-vis des collaborateurs comme les commerciaux vis-à-vis de leurs clients. C’est-à-dire mieux les comprendre, mieux savoir ce qu’ils ressentent, ce dont ils ont envie, comment ils organisent leur temps, leurs relations entre eux, etc.

Mais pour quoi faire ?

Pour mieux les accompagner, les rendre plus performants, les aider, diront les promoteurs de ces techniques. Ou pour mieux les manipuler afin d’en tirer le plus de profit possible comme le pratiquent les Gafa vis-à-vis des utilisateurs de leurs services ? Le doute subsistera toujours.

Prenons des exemples qui fonctionnent déjà sur d’autres continents. Le badge ou la puce sous cutanée proposée aux salariés qui permet de les suivre partout et de connaître leurs interactions et leur niveau émotionnel. Les zélateurs de la technologie nous expliqueront que c’est pour les accompagner et permettre de détecter les individus qui vont mal et d’adapter de façon individuelle les programmes de développement. Dans un esprit bienveillant, avoir ces informations sur les salariés peut servir à cela.

Mais comment penser que cela ne va pas aussi servir à leur mettre une pression supplémentaire dans un cadre codifié dans lequel chacun devra entrer. C’est toute la question de l’intimité du sujet. La tech pousse de plus en plus son intrusion par la quantité de données recueillies et leur recoupement.

Or nous ne mesurons pas l’effet que cela produit sur des individus qui savent que leur intimité est surveillée par des acteurs qui ont un pouvoir sur eux, au moins économique. La perspective évoque les pires dystopies que l’on peut imaginer. A l’évidence, ceux qui entreront dans ce cadre contraignant seront en permanence dans une autocensure pour tenter de correspondre à ce qui est supposé souhaité par le système. On peut douter des capacités de créativité et d’adaptabilité d’un tel modèle.

ET APRÈS ?

Il peut paraître paradoxal que ceux dont l’ADN est la créativité et l’innovation proposent des solutions dont l’un des effets premiers sera de les assécher chez leurs utilisateurs. L’enjeu n’est pas de maîtriser, mais au contraire de libérer.

Plutôt que de chercher à tout savoir sur un individu pour mieux le cadrer, l’utiliser, le manipuler, il faudrait lui donner envie de booster ses capacités à contribuer au collectif en utilisant son intelligence et ses capacités émotionnelles.

La tech du XXIe siècle ne doit pas se mettre au service de modèle de management du XXe siècle. Lorsque le fantasme du patron était de tout contrôler, et surtout ses équipes. C’est au contraire lorsqu’elle favorise les capacités des individus à sortir des cadres, à imaginer et à tirer le meilleur de leur humanité que la tech apporte de la valeur.