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S'ennuyer au travail - Eric Albert - lesechos.fr

L'ennui est résultat d'un défaut de dialogue et le choix de la paresse et du confort, de la part du management et des collaborateurs.

Selon une enquête du site d'emploi Qapa, 63 % des Français s'ennuieraient au travail. Fichtre, voilà une information inquiétante ! Surtout s'il s'agit d'ennui de fond, d'ennui chronique. Car, admettons-le, quel que soit l'intérêt que l'on porte à son travail, certaines activités qui y sont nécessairement liées sont vécues comme ennuyeuses. Ne parlons donc pas de cela mais du sentiment d'avoir un travail routinier, répétitif, sans enjeu, pire,  sans utilité .

Arriver à une telle situation relève d'abord de la responsabilité managériale. C'est la conséquence d'avoir laissé un collaborateur végéter dans une fonction où il n'a plus besoin ni de réfléchir, ni de progresser, ni de s'exposer à de nouvelles tâches. Il s'agit donc d'une forme de capitulation managériale, ou, plus souvent, de paresse. On se contente de ce qui fonctionne et, année après année, on laisse des routines s'installer. Pourtant, non seulement cette absence de progression nuit à la qualité, mais elle est aussi dommageable pour les salariés concernés. L'ennui n'est pas bon pour leur santé ; ils se dévalorisent, ils deviennent anxieux, voire dépressifs. Ajoutons que l'ambiance générale s'en ressent. Bien sûr, ces acteurs qui viennent au travail avec des pieds de plomb sont critiques et négatifs vis-à-vis de leur employeur. Ils accumulent du ressentiment, sont disponibles pour colporter des rumeurs et parfois même créer des conflits. Sans parler du fait que certains prennent l'habitude de faire autre chose, comme, par exemple, surfer sur le net. Pas facile après des années de ce régime de les stimuler de nouveau.

Réactiver la capacité à s'exposer

C'est aussi de la responsabilité du collaborateur dont il s'agit. Il doit dire qu'il s'ennuie. Ses alertes ne sont pas entendues ? Il doit  avoir recours à la formation pour évoluer et, peut être, songer à changer d'employeur.

Le contraire de l'ennui, c'est de sortir de sa zone de confort, de se mettre en risque. L'ennui est souvent une contrepartie du confort. Voltaire écrivait : « L'homme est né pour vivre dans les convulsions de l'inquiétude ou dans la léthargie de l'ennui. » Sans aller jusqu'aux convulsions, il faut réactiver une capacité à s'exposer, à relever des challenges, à accepter d'être remis en cause.

Quel paradoxe ce 63 % alors qu'il n'en va de l'intérêt de personne ! C'est là le résultat d'un défaut de dialogue et le choix, pour les uns, de la paresse, et pour les autres, du confort. Que la chasse à l'ennui s'ouvre donc ! Pour le bien de tous.