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Se former ou apprendre - Eric Albert - lesechos.fr

La formation est conçue par des équipes des fonctions centrales et plus ou moins imposée. Ceux auxquels elle est destinée la subissent plus qu'ils ne la vivent.

« Comment pourriez-vous nous faire la même formation pour le comex en une demi-journée ? » La demande du DRH concerne une formation considérée comme essentielle pour l'ensemble des managers de l'entreprise, qui s'étale sur quatre demi-journées espacées dans le temps. Elle est caractéristique de l'attitude de la plupart des dirigeants vis-à-vis de la formation.

 Ils consentent à en suivre quelques-unes à condition que cela ne leur prenne pas de temps. En somme, ils croient peu ou pas au bénéfice qu'ils vont en tirer. Le peu de temps qu'ils y consacrent vise principalement à faire preuve d'un minimum d'exemplarité et être politiquement correct.

Comme souvent, cette attitude de dirigeant se retrouve dans toute la ligne managériale. La formation est conçue par des équipes des fonctions centrales et plus ou moins imposée. Ceux auxquels elle est destinée la subissent plus qu'ils ne la vivent.  Tout l'enjeu est donc de passer de l'injonction « il faut se former » à l'envie d'apprendre . Ce qui revient à passer du contentement de soi (tout va bien, je n'ai besoin de rien) à une quête d'amélioration. 

Ce passage, pour être collectif, suppose de faire évoluer la culture de l'entreprise. Les cultures uniquement centrées sur la performance des acteurs les conduit à se constituer une zone de confort et à reproduire ce qui a marché auparavant. Toute l'énergie est consacrée à produire car c'est cela qui compte dans l'évaluation. Dès lors, la formation est une contrainte qui va à l'encontre de leur but principal.

Et après ? Pour qu'émerge l'envie d'apprendre, il faut contrebalancer cette exigence de performance par celle d'évoluer, de progresser mais surtout de contribuer à la dynamique d'évolution de l'entreprise. 

C'est donc une culture qui intègre le moyen terme et pas seulement le court terme. Apprendre, c'est prendre du recul, mettre en perspective, tenter d'autres façons de faire, prendre des paris sur l'avenir. C'est utiliser sa curiosité pour attiser son désir d'acquérir de nouveaux savoir-faire. Puis avoir une action volontaire d'aller chercher et non pas attendre que cela vienne à vous. Mais surtout, le véritable apprentissage doit avoir pour but de transmettre. Car il n'y a pas de meilleure façon d'apprendre que d'avoir à transmettre.

Cela évite notamment l'illusion de penser avoir compris et maîtriser un concept alors qu'on ne l'a capté que partiellement. 

Rien de pire que ceux qui pensent savoir parce qu'ils ont suivi une formation (c'est fréquent pour  les formations de « soft skills » ). La bonne nouvelle est que la génération montante a intégré ce besoin comme une nécessité première. 

Pour eux, l'évaluation d'un job est avant tout d'avoir un environnement qui favorise cet apprentissage permanent. Lorsqu'ils ont le sentiment que cette stimulation n'est plus présente, ils n'hésitent pas à changer d'employeur.

Une des façons d'évaluer les dirigeants serait de les questionner sur ce qu'ils ont appris au cours des mois précédents et comment ils ont stimulé cette envie autour d'eux. 

Apprendre est une quête qui répond à un besoin alors que se former est une obligation subie comme une contrainte. A chacun d'organiser son entreprise en conséquence.