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Responsabilités et risque - Eric Albert - lesechos.fr

La responsabilisation aurait été de donner des principes et d'inviter chacun à les appliquer au mieux en fonction de ses particularités.

Les maires ont exprimé pour le moins un agacement face à l'épais document qui décrit les règles sanitaires qui doivent s'appliquer à la réouverture des écoles. Si tout ce qui est écrit permet de garantir le minimum de risque de contagion, pour beaucoup de petites communes, c'est simplement impossible à mettre en oeuvre. De même, le ministère du Travail a publié le protocole de déconfinement qui doit s'appliquer à toutes les entreprises. Il comporte notamment une désinfection quotidienne de tous les locaux et, de plus, plusieurs fois par jour de tous les objets régulièrement touchés : sanitaires, poignées de porte, escaliers, etc. En pratique toutes les entreprises qui veulent rouvrir devront quasiment avoir sur place un technicien d'entretien. Ce qui signifie que soit les entreprises ne respecteront pas les règles et le dirigeant se mettra en risque pénal, soit il ne rouvrira pas ses locaux.

Caricature du modèle top/down

Dans le même temps, les ministres appellent tous les acteurs à prendre leurs responsabilités. Mais de quelles responsabilités parlent-ils ? Pour prendre une responsabilité, il faut avoir une marge de manoeuvre, il faut avoir un espace de décision. En fonction de son appréciation de la situation, on choisit un compromis que l'on sait ne pas être l'idéal mais dont on assume les conséquences. Les directives, très complètes, ne laissent aucune marge de manoeuvre. Elles sont applicables de la même façon par tous, quelles que soient sa taille et sa situation. Ainsi, le gouvernement déresponsabilise les acteurs de terrain.

La responsabilisation aurait été de donner des principes et d'inviter chacun à les appliquer au mieux en fonction de ses particularités. Pire, c'est l'administration qui se déresponsabilise par ces directives. Ces dernières décrivent un idéal, et donc elles couvrent ceux qui les émettent. Ainsi, ils ne portent plus aucune responsabilité. Car il n'y a pas de responsabilité sans prise de risque.

Nous sommes dans la caricature du modèle top/down. Celui qui est en haut ordonne en fonction de ce qu'il souhaite et pour se couvrir. Son sujet n'est pas de créer les conditions à une bonne mise en oeuvre pratique en tenant compte de l'ensemble des paramètres. De plus, il envoie un message de double contrainte : respecter les règles sanitaires et faire repartir au plus vite son entreprise.

La chaîne hiérarchique fonctionne lorsqu'il y a un partage du risque et des responsabilités. Chacun assume sa part et donne de l'espace aux autres pour tenir compte de la situation. L'ensemble se considère solidaire dans l'efficacité globale. Interdépendance plutôt que désignation du coupable. Il paraît qu'il faut se réinventer, voilà un sujet concret pour commencer à s'y mettre.