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Recruter, c'est rêver - Eric Albert - Les Echos / lesechos.fr

Le gros avantage du recrutement c'est d'avoir le choix. Et donc souvent l'illusion que l'on va enfin trouver l'individu parfait…

Pour un dirigeant rien n'est plus excitant que de recruter. Recruter, c'est la perspective d'une solution à un problème, c'est la promesse d'une nouvelle personnalité qui va enrichir l'équipe, c'est l'espoir d'une expérience différente qui fera progresser l'entreprise. Bref, recruter c'est rêver. Car le gros avantage du recrutement c'est d'avoir le choix. Et donc souvent l'illusion que l'on va enfin trouver l'individu parfait qui cochera toutes les cases. Pas étonnant que les cabinets de chasse de tête gagnent si bien leur vie : ils vendent du rêve.

 

D'ailleurs pour faire durer cette période délicieuse du choix, on sollicite de nombreux avis à travers de plus en plus d'entretiens. On multiplie les tests et assessments de toutes sortes qui donnent en plus une caution pseudo scientifique à la démarche. Vient ensuite l'interminable période entre le choix arrêté et la prise de fonction. Puis souvent, lorsque celle-ci devient effective, le retour à la réalité est sévère.

Celui que l'on imaginait prendre ses fonctions avec toutes les qualités espérées n'est pas aussi bien que prévu. L'un tarde à prendre des décisions essentielles, l'autre n'entre pas suffisamment dans les sujets de fond, un troisième se révèle être territorial et conflictuel.

 

Et après ?

Rien la plupart du temps. On trouve tous les prétextes pour expliquer que c'est la phase de prise de fonction et qu'il faut s'acclimater. De plus, la phase qui a précédé le recrutement a été tellement longue que l'on ravale sa déception car on n'imagine pas se relancer dans un processus si long et coûteux. Et puis les équipes ne supporteraient pas un nouveau changement. Mais surtout ce serait reconnaître que l'on s'est trompé.

Or, justement toute personne qui a fait du recrutement sait bien qu'elle se trompe. D'ailleurs, les chasseurs eux-mêmes reconnaissent leurs propres erreurs. Recruter fait appel à un mécanisme de séduction mutuelle, donc en partie de dissimulation voire de mensonge. Comme on sait que le risque de se tromper est important, dès lors autant aller plus vite dans la phase en amont du choix pour se laisser une deuxième chance dans la période d'essai. C'est à ce moment que l'on peut vraiment voir la personne en situation et non pas telle qu'elle se décrit elle-même.

 

Pendant cette période il est très important de faire des feedbacks précis et de demander au nouvel arrivant d'améliorer ou de modifier certains comportements. Car sa capacité à tenir compte de ce qui lui est demandé et donc à évoluer est centrale. Si dans cette période on a des doutes, c'est une alerte très forte. Car il est très peu probable que le nouvel embauché fasse plus tard ce qu'il ne fait pas pendant cette période où il sait qu'il est observé et où il cherche à faire bonne impression,

Recruter est un exercice d'humilité qui doit nous conduire à nous interroger sur ce qui nous induit en erreur. Il est très rare que l'on fasse un retour d'expérience après un bon ou un mauvais recrutement. Pourtant, c'est un exercice qui nous en dit beaucoup sur nous-mêmes.