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Quel temps observer pour bien décider ? – Eric Albert - lesechos.fr

La qualité d'une décision est en lien direct avec le délai dans lequel on la prend.

Paris et Lyon vont voir s'affronter aux prochaines élections municipales des candidats issus de LREM les uns contre les autres. En les laissant se déclarer, puis s'organiser et monter une équipe autour d'eux, chacun s'est renforcé dans sa position et a atteint le point de non-retour, refusant obstinément de se retirer.

Outre l'aspect humiliant, pour le président de la République, de la fin de non-recevoir lorsqu'il s'est décidé à agir, on se retrouve évidemment là face à une machine à perdre. Cette situation caricaturale doit conduire les dirigeants à s'interroger sur leur rapport au temps pour être en capacité de trancher.

Il n'est pas rare que, sous le prétexte de laisser leurs collaborateurs se mettre d'accord entre eux, ils laissent perdurer des désaccords de façon excessive. Ils peuvent être eux-mêmes hésitants, vouloir laisser portes ouvertes le plus longtemps possible ou encore avoir du mal à « faire de la peine » à celui qui sera désavoué. Mais, bien sûr, le temps renforce le conflit et surtout l'élargit aux équipes. Chacun est au courant de la confrontation, y contribue et la commente. Dès lors, le choix qui sera fait sera nécessairement la victoire de l'un et la défaite de l'autre.

Quel délai pour trancher ?

À l'inverse, on connaît des dirigeants qui ne supportent pas le temps de l'incertitude ou qui, pour des raisons de prestance, se sentent obligés de décider immédiatement dès que le sujet leur est présenté. Soulagés d'avoir tranché, ils ont le sentiment du devoir accompli. Mais évidemment la précipitation laisse rarement le temps d'explorer les différentes options et c'est plus sous le coup de l'émotion qu'ils ont agi. C'est d'ailleurs l'émotion qui est aussi à l'origine de la tendance à reporter la décision.

La qualité d'une décision est en lien direct avec le délai dans lequel on la prend. La première question est comment fixer le délai. Trois principaux paramètres entrent en ligne de compte : l'urgence à agir, la complexité du sujet et l'effet du temps sur des désaccords potentiels. Une fois que l'on a fixé le délai, il faut s'interroger sur l'usage de ce temps. Réfléchir seul ? Prendre différents avis ? Débattre à plusieurs ? Tester des hypothèses ? Il faut structurer ce temps dans lequel on se montre le plus ouvert et explorer toutes les options. Se fixer une date butoir est une contrainte et, comme souvent, la contrainte oblige à optimiser. Décider est l'une des toutes premières valeurs ajoutées du dirigeant. Or, chacun a ses propres tendances, voire ses travers. Et il est indispensable d'en prendre conscience pour ne pas y tomber.