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Management : et si on prenait le temps de l'erreur ? - Eric Albert - lesechos.fr

Le dirigeant a ce souci permanent d'embarquer ses équipes, de leur donner envie de le suivre. Il n'y arrivera pas en justifiant ou en dramatisant l'erreur. L'erreur doit au contraire être banalisée.

« Aucun mea culpa, aucun remords, aucun constat d'échec » : les propos du chef de l'Etat sur la question du confinement (même si, quelques jours plus tard, il a parlé d'erreurs) sont exactement à l'opposé de ceux de la chancelière allemande Angela Merkel sur le même sujet. Celle-ci non seulement reconnait une erreur, mais demande pardon en assumant pleinement sa responsabilité. Le contraste est tel que les commentaires vont bon train sur l'arrogance versus l'humilité.

On pourrait aussi gloser sur une posture genrée. Mais là n'est pas mon propos. Je renverrais volontiers l'un et l'autre à l'impossibilité de juger, sur un si court terme, s'il y a erreur ou non. Seul le temps, dans quelques semaines, quelques mois voire quelques années, autorisera à porter un jugement sur cette question. Car il sera alors possible de mesurer l'ensemble des conséquences des décisions.

Comprendre le mécanisme de la décision

En attendant, plutôt que le jugement, ce qui serait intéressant ce serait de comprendre le mécanisme de la décision. Surtout, dans ce cadre spécifique de décision complexe, où le nombre de paramètres qui entrent en ligne de compte est considérable. Comment ont-ils été pris en compte et hiérarchisés ? Qu'est-ce qui a réellement fait changer d'avis madame Merkel ? Quel poids prend la situation des hôpitaux versus l'état psychique de la population ?

Le jugement est la paresse de ceux qui ne font pas l'effort de comprendre. Ou celle de ceux qui ne font pas l'effort d'expliquer. Le dirigeant a ce souci permanent d'embarquer ses équipes, de leur donner envie de le suivre. Il n'y arrivera pas en justifiant ou en dramatisant l'erreur. L'erreur doit au contraire être banalisée. C'est parce qu'on avance, que l'on entreprend et que l'on prend des risques que nécessairement on fait des erreurs. Et heureusement, car c'est notre principale source de progrès.

Déni et jeux de faux-semblant

Nous savons à quel point, dans le contexte actuel, diriger un pays ou une entreprise est un exercice d'une grande complexité. C'est pourquoi il est essentiel de rester simple. Personne ne peut prétendre avoir la bonne stratégie dans une situation totalement nouvelle, qui n'est faite que de rebondissements tous plus inattendus les uns que les autres. Il ne reste donc qu'à expliquer sa ligne directrice et sa hiérarchie de choix par rapport à un effet attendu.

Poser l'erreur comme banale offre l'immense avantage de pouvoir faire machine arrière et de n'être donc pas enfermé dans l'engagement induit par des décisions antérieures. De plus, l'effet pédagogique n'est pas à négliger. Les strates de l'entreprise restent inquiètes de la réaction de leur hiérarchie si elle venait à constater leurs erreurs. Déni et jeux de faux-semblants sont alors autant de freins à l'initiative et à la progression. Partager plutôt que juger, en acceptant son imperfection, est au coeur du leadership actuel.