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L’illusion de décider

Rien ne valorise plus le dirigeant que de prendre des décisions. Il est sollicité à de très nombreuses reprises dans la journée pour savoir quoi faire face à tel problème, qui nommer, comment arbitrer les différends, allouer ou couper des budgets, etc. La somme des décisions à prendre est considérable et cela donne à celui qui les prend un sentiment de puissance qui le gonfle d’importance. Peu à peu, tout le monde prend l’habitude de « faire remonter » les sujets à trancher. En réalité, les véritables sujets de décision sont rares. Une vraie décision suppose de se mettre en risque. Les grandes organisations génèrent des décisions qui ne sont souvent que des arbitrages de jeux de pouvoir entre les acteurs. Derrière le choix, chacun sait bien que ce qui se joue est de donner raison à l’un contre l’autre. La décision n’est que le reflet de l’incapacité des protagonistes à négocier dans l’intérêt global de l’entreprise. La défense de leur point de vue est, bien souvent, sous-tendue par des logiques de territoires. Le paradoxe est que le chef qui décide a l’impression de débloquer une situation quand il ne s’agit que d’un défaut de management de sa part. Autre illusion : ne pas réaliser combien les émotions influencent les décisions. En fonction de l’appétence ou, au contraire, de la peur du risque, chacun penche naturellement pour une solution plutôt qu’une autre. Sans prendre conscience de ces émotions, les acteurs prennent leurs décisions presque instantanément à l’énoncé de la situation et, sous prétexte de l’explorer, ne cherchent en fait qu’à trouver les arguments rationnels qui justifieront leur choix. Enfin, les « décideurs » sont souvent dans l’illusion que ce qu’ils ont tranché va être mis en oeuvre. L’expérience prouve que ce n’est pas une règle générale. Il n’est pas rare qu’une décision soit considérée comme une bonne base de discussion ou encore qu’elle se perde dans les méandres de l’organisation. Les décideurs doivent donc commencer par s’interroger. Pourquoi cette décision remonte-t-elle ? Quel est son penchant naturel (guidé par l’émotion) ? Y a-t-il réellement un risque et de quel type ? Comment la mettre en oeuvre et la suivre ? Faire cela prend du temps. Tant mieux, cela limite les décisions!