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Les vieux singes continueront-ils d'apprendre ? - Eric Albert - Les Echos

Qu'avez-vous appris cette année ? En posant la question à mon interlocuteur, je réalise avec angoisse ma difficulté à y répondre moi-même. Très vite, nous convenons que la période est trop longue et nous concentrons sur les trois derniers mois. Et… nous nous rendons compte que ce n'est pas beaucoup plus facile. N'avons-nous rien appris ?

Apprendre, un automatisme

Rien ne serait plus inquiétant. Nous serions dans une répétition, un usage automatisé de nos savoirs, sans les enrichir. Même manière de réagir aux événements, même façon de concevoir les solutions aux problèmes rencontrés, même comportements. En somme, faire face au présent en ne s'appuyant que sur le passé. Pour nous rassurer, nous avons soulevé l'hypothèse qu'apprendre est un automatisme. Ce que l'on entend, lit, voit nous imprègne à notre insu. Au quotidien, on capte quantité d'informations sur le contexte et son entourage qui conduisent à enrichir la compréhension de son environnement. Donc tout va bien : nous apprenons à notre insu.

Reste à savoir à quoi sert cette accumulation d'informations absorbées, et à identifier nos propres filtres. Si l'on n'y prend pas garde, la psychologie nous montre que nous avons des biais dans la façon de sélectionner l'information qui pourrait conduire à ne retenir que ce qui vient confirmer nos convictions déjà bien établies. Ce qui revient à s'enfermer dans ses certitudes. Apprendre suppose une véritable ouverture. C'est-à-dire se mettre dans l'état d'esprit d'être remis en cause dans nos préjugés, bien classés dans nos têtes comme des évidences. Dans le domaine du savoir-faire, apprendre consiste à enrichir ses pratiques. Pour les dirigeants cela concerne principalement des compétences comportementales. C'est-à-dire élargir le champ de ses registres et ne pas simplement s'appuyer sur les attitudes parfaitement maîtrisées et faciles à utiliser.

Et après ?

Pour apprendre, il faut donc mieux comprendre sa relation à la nouveauté. Certains s'en préservent soigneusement quand d'autres la recherchent avec appétence. La nouveauté doit être abordée positivement. Elle demeure, pour certains, synonyme d'agression. Ils se protègent des surprises en s'accrochant à ce qu'ils connaissent déjà comme à des bouées de secours, plutôt que de les prendre comme des opportunités. Il leur faut apprivoiser leurs inquiétudes souvent liées à la peur de perdre la maîtrise et progressivement cultiver leur curiosité et leur plaisir de la découverte. L'étape suivante consiste à être précis et concret sur l'usage à faire de ce nouveau savoir/savoir-faire. Sans usage précis, les acquisitions s'oublient aussi vite qu'elles ont été acquises.

En somme, apprendre c'est élargir son point de vue et changer ses façons de faire. Apprendre est l'un des ressorts motivationnels premiers des Millenials dans leur choix d'emploi. Le risque est que cette motivation s'atténue progressivement avec le temps. Ainsi les vieux singes déclarent volontiers qu'on ne leur apprendra pas à faire la grimace. Contents d'eux, ils préfèrent la posture de donneur de leçons à celle d'en recevoir. Les études n'ont pas montré si la comparaison des singes avec les dirigeantsétait pertinente. Mais dans le doute, gardons une vigilance particulière à entretenir notre capacité à apprendre.