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Leadership : des gourous et des coachs, pour quoi faire ? - Eric Albert - lesechos.fr

Le dirigeant a besoin de leurs regards nouveaux, qui viennent bousculer ses certitudes et le conduisent à comprendre autrement son environnement, ses équipes, sa façon d'aborder son activité.

Dans notre monde volatil, incertain, complexe et ambigu – Vuca, a-t-on coutume de dire –, rien n'est plus dangereux que les certitudes. Nous constatons, chaque jour, que ce sur quoi nous avons construit peut être balayé par ce qui était inconcevable quelques jours plus tôt. À quoi se raccrocher, comment trouver des points de repère qui permettent de penser ce qui se passe et d'en tirer des pratiques nouvelles ?

Les maîtres à penser du management – dont un certain nombre vont participer, la semaine prochaine, au Global Drucker Forum virtuel de Vienne, en Autriche, NDLR – sont un recours utile. Encore faut-il en avoir le bon usage. Car, leur caractéristique est qu'ayant saisi une particularité des enjeux managériaux actuels, trouvé une explication brillante et tiré des conclusions sur ce qu'il fallait faire, ils ont tendance à présenter tous ces éléments comme des vérités. Si on les prend comme telles, le risque bien sûr est de s'y enfermer. Car, dans la période actuelle, nous oscillons entre l'inquiétude de ne pas comprendre ce qui se passe et la posture rassurante – et plus confortable – de penser que l'on a les bonnes clés de lecture et que l'on sait quoi faire. Les gourous du management permettent avant tout de gérer l'inquiétude des dirigeants. Souvent, ils conceptualisent ce que les managers pressentent et mettent des mots sur ce qui semble devenir des évidences sous leur éclairage avisé. Et pour être encore plus convaincants, ils organisent des relais avec des praticiens qui ne tarissent pas d'éloges sur les effets positifs de leurs théories mises en oeuvre.

Deux dimensions, regards nouveaux

Comme tout le monde, le penseur du management a ses propres contraintes. Il doit se démarquer par rapport à ses confrères, donc apporter nécessairement des idées nouvelles qui invalident ou complètent ce qui avait été écrit avant lui. Sa pensée est conceptuelle et généralisatrice, alors que la réalité des entreprises n'est faite que de singularités. En cherchant à apporter de la nouveauté, il trouve de nouveaux angles, il ouvre, élargit le regard et conduit à se questionner. Cette ouverture est utile au dirigeant, à condition toutefois qu'il sache conserver un regard critique et pratique. C'est là que la posture de coach vient compléter celle du gourou. Alors que ce dernier démontre, affirme et a besoin d'avoir raison, le coach remet en cause, provoque le doute, confronte à la réalité du terrain.

Le dirigeant a besoin de ces deux dimensions. Il doit chercher les regards nouveaux qui viennent bousculer ses certitudes et le conduisent à comprendre autrement son environnement, ses équipes, sa façon d'aborder son activité. Cette articulation entre l'ouverture, qui permet de capitaliser sur la créativité des autres et l'adaptation à la mise en oeuvre concrète dans son entreprise, est au coeur des enjeux des dirigeants. Chacun, en fonction de son tempérament, pourrait avoir tendance à privilégier une posture plutôt que l'autre. D'un côté, ceux qui sont toujours en éveil et prêts à s'enthousiasmer pour de nouvelles idées ; de l'autre, les sceptiques qui se méfient des théoriciens et ne se basent que sur leur expérience. À chacun d'écouter les gourous pour en faire son propre miel.