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Humilité - Eric Albert - Les Echos / lesechos.fr

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de l'affaire Ghosn pour les dirigeants en quête d'amélioration personnelle. A commencer par l'urgence de « s'affranchir de l'importance de soi ».

L'affaire Ghosn n'a pas fini de faire couler de l'encre. Du grand patron à l'avidité sans borne aux dérives de la toute-puissance dans les modes de gouvernance, les commentaires vont fuser. Le plus étonnant est que la façon dont Carlos Ghosn est devenu célèbre _ en redressant Nissan en 1999 _ est exactement à l'inverse de ce qu'on lui reproche aujourd'hui.

Un modèle autour d'une personne

Plutôt que de s'affirmer tel un décideur tout puissant, il a fait preuve d'humilité. Ayant identifié les six grands chantiers à mettre en œuvre pour redresser l'entreprise avec les équipes locales, il avait missionné des groupes multidisciplinaires pour trouver des solutions et résisté à la tentation de reprendre le manche. La mise en œuvre de ces chantiers avait permis à l'entreprise de se redresser. Il est devenu « un dieu vivant » au Japon et apparaissait comme indispensable dans un groupe entièrement construit à sa main.

Depuis douze ans qu'il était à la tête de l'Alliance Renault-Nissan, nul doute que Carlos Ghosn a consacré une énergie, un temps et un talent considérable à faire réussir le groupe dont il avait la responsabilité. Mais, pour cela, il a construit un modèle autour de sa personne en l'assimilant à son rôle de patron.

 

Fragilisation de l'organisation

Pour tous les dirigeants, le doute existe. Agissent-ils dans l'intérêt premier de l'entreprise ou dans leur intérêt propre ? Ce qui est sûr, c'est que les modèles qui centralisent le pouvoir sur le dirigeant peuvent donner l'impression de renforcer ce dernier. C'est au prix d'une fragilisation de son organisation. Car plus les décisions se prennent près du terrain plus les organisations sont agiles et résilientes.

Cette affaire met en perspective la recherche d'équilibre entre l'ego des dirigeants et leur réelle humilité. S'il est indispensable qu'ils soient suffisamment sûrs d'eux-mêmes pour prendre des risques, il est tout aussi nécessaire qu'ils ne se laissent pas envahir par l'importance de leur personne.

« L'humilité » telle que l'évoque le moine bouddhiste, écrivain et interprète français du dalaï-lama, Matthieu Ricard, est justement cette capacité à « s'affranchir de l'importance de soi ». Ce qui suppose de ne pas trouver trop de plaisir tant dans l'exercice du pouvoir que dans la flatterie. Une bonne façon de prendre en compte la performance durable des dirigeants est d'évaluer les contre-pouvoirs qu'ils ont organisés autour d'eux.