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Game of… CEOs - Eric Albert - Lesechos.fr

« Game of Thrones » vous passionne ? Alors, vous avez dû adorer les feuilletons d'EssilorLuxottica et de l'Alliance Renault-Nissan. Le ressort est vieux comme le monde : le pouvoir.

Le ressort principal de  Game of Thrones, série au succès mondial qui fascine toutes les générations et toutes les cultures, est vieux comme le monde : la quête de pouvoir.

Se débarrasser des opposants rend-il plus efficace ?

L'avantage du monde des affaires ? Il n'est pas nécessaire de prendre un abonnement pour suivre les épisodes tout aussi riches en rebondissements. Ces jours-ci entre Italiens et Français d'un côté, avec EssilorLuxottica , et Français et Japonais de l'autre, avec  l'Alliance Renault-Nissan , les feuilletons sont passionnants.

Rien de plus banal que cette quête de pouvoir. Dès qu'un espace s'ouvre pour y accéder, les conflits commencent. Celui qui gagne s'entoure immédiatement de fidèles dévoués et se débarrasse des opposants. Il jouit alors de ce sentiment d'avoir toutes les manettes en main, et donc d'être plus efficace. Il va décider seul, sans avoir à discuter avec les différents acteurs, et sans avoir à se mettre d'accord avec eux. Enfin, il va pouvoir agir vite !

Plus le chef fait peur, plus il est fragile

Cette vision « jupitérienne » de l'exercice du pouvoir reste très répandue dans les cercles dirigeants. Elle se nourrit de la mythologie des grands chefs qui, en situation de crise, sont apparus comme des sauveurs, des héros. Pourtant, tout nous montre que ce modèle a trouvé ses limites, du fait notamment des évolutions sociétales. D'abord, parce que la complexité des sujets à traiter suppose d'y réfléchir à plusieurs ; ensuite, parce que la façon de mettre en oeuvre les décisions importe. Plus une faction s'impose par la force et fait taire les oppositions, plus la résistance au changement est intense, même si elle reste silencieuse. Enfin, plus le chef fait peur, plus il est seul et, in fine, fragile.

Attention donc aux fausses victoires qui font suite aux mauvais combats. Au-delà des questions d'ego qui ne sont jamais loin, cette représentation de l'exercice du pouvoir, qui semble efficace, se construit souvent en réaction au modèle collaboratif et ses lenteurs. L'impression est que la palabre est consommatrice de temps, et vaine.

Trouver le bon « mix » selon les circonstances

Il faut donc partager le pouvoir, mais de façon organisée. D'abord, si le pouvoir partage la responsabilité, celle-ci doit être personnalisée. Ensuite, il est indispensable d'alterner les phases où toutes opinions s'expriment - en ayant vérifié que tous ceux qui l'expriment sont focalisés sur un même but. Enfin, il faut être capable de synthétiser ce qui émerge de cette intelligence collective pour l'utiliser lors de la prise de décision.

La dialectique entre la dynamique du dirigeant, avec une tentation de s'imposer, et un fonctionnement participatif est au coeur de l'exercice du pouvoir. Chaque dirigeant doit en permanence s'interroger sur ses tendances naturelles et trouver le bon « mix » en fonction des circonstances.