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Faire la leçon - Eric Albert - lesechos.fr

Les jugements de valeur, et leurs dimensions moralisatrices, sont de moins en moins bien acceptés lorsqu'ils sont proférés par une personne en position d'autorité.

Le commentaire du Président de la République destiné à  la septuagénaire blessée lors d'une manifestation à Nice a provoqué l'ire des réseaux sociaux. Pourtant cette femme âgée participait à une manifestation interdite et elle était présente au moment de la charge des CRS, alors que ceux-ci avaient procédé aux sommations d'usage.

 

Encourager à la sagesse pouvait simplement sembler énoncer une vision de bon sens. Mais les réactions aux propos d'Emmanuel Macron témoignent d'un rapport à la hiérarchie et à la verticalité de plus en plus mal vécue par le corps social.

C'est évidemment une question de premier plan dans l'entreprise. La verticalité y est structurelle et indispensable ; la subordination est au coeur du contrat de travail. C'est notamment ce qui différencie un salarié d'un indépendant. Pour autant, l'autorité n'est pas systématiquement contestée dans l'entreprise . Elle est reconnue lorsqu'elle correspond à une compétence et qu'elle s'exerce avec respect. Mais le fait d'utiliser sa position d'autorité pour faire la leçon est mal supporté. Les jugements de valeur, et leurs dimensions moralisatrices, sont de moins en moins bien acceptés lorsqu'ils sont proférés par une personne en position d'autorité. C'est exactement comme cela qu'ont été perçus les propos du Président de la République.

Ceci n'est pas un feedback

Il faut faire la différence entre « faire la leçon » et «  faire un feedback ». Dans le premier cas, on qualifie ce qu'a fait l'autre et on lui dit ce qu'il doit, ou ne doit plus, faire. La démarche est souvent très tentante et, lorsqu'on y cède, elle procure un soulagement. Dans le second cas, on part d'un constat et on aide l'interlocuteur à s'interroger. C'est alors à celui-ci d'en tirer les conclusions. C'est à lui de définir ce sur quoi il souhaite éventuellement changer ou évoluer.

L'hyper réactivité émotionnelle du monde contemporain oblige les dirigeants à être très attentifs aux effets qu'ils peuvent produire. Dès que leurs propos peuvent être interprétés comme de la condescendance, le rejet est immédiat. C'est l'un des nouveaux paramètres à intégrer. Cela signifie que s'ils se font plaisir en disant ce qu'ils pensent ou en tenant de simples propos de bon sens, ils peuvent susciter de très fortes réactions. Pendant des siècles, le privilège du pouvoir a été de déverser ses émotions _ à l'entourage de s'y adapter. C'est désormais l'inverse : celui qui est en bas de la pyramide a acquis le droit de tout exprimer et celui qui est en haut a le devoir de se contrôler. Attention à ne pas se tromper d'époque