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De l'art de se passer le témoin - Eric Albert - lesechos.fr

Comment susciter l'envie de se dépasser individuellement en créant un esprit d'équipe avec des acteurs très variés ?

Lors du mondial d'athlétisme, la France s'est distinguée dans le relais 4 X 100 m en laissant tomber le témoin. L'exemple du relais est souvent utilisé en management car c'est un symbole de la nécessité de combiner performance individuelle et jeu collectif pour réussir. Ce n'est en effet pas toujours l'équipe composée des meilleurs coureurs qui gagne. Ce moment du passage de témoin d'un coureur à l'autre fait la différence. Cela demande une attention particulière à l'autre et de s'ajuster à ses spécificités. Lorsque cela dysfonctionne, qui est responsable ? Les deux bien sûr. Résonance évidente avec ce qui est vécu au quotidien dans l'entreprise. Combien de situations au cours desquelles l'interface entre les acteurs est à l'origine de la contre-performance ?

Selon les dirigeants, le balancier oscille entre la pression mise sur les performances individuelles ou l'importance donnée au jeu collectif. Pour la performance individuelle, on structure l'évaluation en mettant les acteurs en rivalité par une comparaison permanente. A l'inverse, lorsqu'on veut favoriser le collectif, on multiplie les rencontres avec l'espoir que le consensus va produire les bonnes décisions et l'appropriation par chacun. Le premier modèle exacerbe les tensions, le second ralentit le fonctionnement.

Toute la question est dans le « en même temps ». Comment susciter l'envie de se dépasser individuellement en créant un esprit d'équipe, et même au-delà, un esprit de collaboration, avec des acteurs très variés ?

La pratique du feedback doit devenir une routine

 

Proposons trois pistes de réflexion. L'une est la nécessité de partager un but commun. Cela peut paraître une évidence mais il est très fréquent que les acteurs qui constituent un collectif ne voient pas leur objectif commun, ou de façon très vague et peu stimulante, par rapport à leurs objectifs individuels.

Une autre piste repose sur l'identification par chacun de ce qu'il doit apporter de spécifique au groupe et la reconnaissance, par les autres, de l'utilité de cette compétence. En cela, les réunions avec plusieurs échelons hiérarchiques d'une même entité appauvrissent souvent la qualité du travail collectif.

Enfin, une troisième piste repose sur l'évaluation croisée. C'est parce que chacun sait ce que les autres pensent de lui qu'il peut en tenir compte pour évoluer. Cette pratique du feedback doit devenir une routine. Il faut pouvoir se dire les choses dans la perspective de considérer que la remise en cause est une opportunité. But commun, spécificité des apports de chacun, capacité à se dire les choses et à s'ajuster sont les clés de la combinaison entre l'individuel et le collectif. Cela paraît simple, il ne reste plus qu'à le mettre en place. Et c'est là où toute la difficulté commence.