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Communiquer, l'illusion du contrôle - Eric Albert - lesechos.fr

La communication est un exercice de vigilance permanente. Outre la nécessité d'être parfaitement clair sur son intention, il faut s'interroger sur ce que son interlocuteur peut entendre.

La communication interpersonnelle fait partie de ces sujets éternels dont on parle, auxquels on se forme, dont on fixe les règles et, malgré tout, il faut y revenir. Quoique l'on fasse, au fil du temps, on se trouve confronté avec son entourage à des malentendus, ou simplement à des incompréhensions. C'est que, contrairement à ce que l'on voudrait croire, et à ce que certains pourraient laisser entendre, la communication ne peut pas se contrôler complètement. Tout simplement parce qu'elle est, en grande partie, affaire d'émotions. Les siennes et celles de son ou de ses interlocuteurs. Il n'est déjà pas évident d'identifier ses propres émotions et d'en faire bon usage, que dire alors des émotions de ceux qui nous écoutent ? Tout au plus peut-on essayer de les repérer et de les comprendre, puis d'en tenir compte. Mais même en y étant très attentif, chacun peut constater qu'il lui arrive de ne pas produire l'effet escompté. On croise ainsi souvent des dirigeants irrités par le fait que leurs collaborateurs n'ont pas intégré, compris et mis en oeuvre ce que pourtant ils avaient dit. Et de s'indigner : « Je n'arrête pas de répéter… »

 

Instaurer une culture du feed-back  

La part de l'émotion dans la communication passe notamment par le langage non verbal. On ne s'exprime pas seulement par ce que l'on dit mais par ce que l'on montre. Les réactions d'hostilité que le président de la République a provoquées dans une partie de la population tiennent plus à des attitudes, des regards, un ton de voix qui pouvaient être perçus comme l'expression d'un agacement, voire d'un mépris, qu'à ses propos eux-mêmes répétés en boucle. S'il avait pu anticiper l'effet produit, il est probable qu'il se serait exprimé autrement. Le langage non verbal a cette puissance d'impacter les émotions des interlocuteurs. Il est une composante essentielle du leadership. Si, par moments, on peut faire des efforts pour le contrôler et faire en sorte qu'il soit cohérent avec le message que l'on veut transmettre, ce contrôle ne peut pas être permanent. De même que nous ne choisissons pas nos émotions, notre langage non verbal les reflète à notre insu. Ou est interprété par nos interlocuteurs à l'aune de leurs propres émotions.

La communication est un exercice de vigilance permanente. Outre la nécessité d'être parfaitement clair sur son intention, il faut s'interroger sur ce que son interlocuteur peut entendre. Car, si on reste centré sur soi, on s'exprime en réponse à un ressenti et l'effet produit est bien loin de celui attendu.

Une fois que l'on a compris que l'on va se tromper et qu'il est nécessaire d'être dans l'ajustement, il faut instaurer une culture du feed-back. Une telle démarche vise à banaliser les retours de perceptions croisées et, donc, à revenir à cette réalité : les autres ne sont pas toujours comme l'on voudrait qu'ils soient. Si l'on ne fait pas soi-même le chemin pour s'y ajuster, on dégrade ses capacités de communication. La communication interpersonnelle n'est que le reflet de son intérêt pour les autres et de sa capacité à apprendre à développer des compétences comportementales.