expand

Comment Jacinda Ardern, Arthur Sadoun et René Redzepi changent l'image du leader - Eric Albert - lesechos.fr

Ils oeuvrent dans des univers fort différents. Mais en déclarant, chacun, publiquement leurs limites, leurs fragilités ou leurs maladies, ces trois leaders adoptent un comportement commun : ils se placent délibérément aux antipodes de l'image traditionnelle du chef sans faille.

Sensation à Davos quand Arthur Sadoun, le patron de Publicis, a évoqué le cancer dont il a été victime et invité les dirigeants à parler de leurs maladies plutôt qu'à les cacher.

Coup d'éclat du côté de Jacinda Ardern, Première ministre de Nouvelle Zélande, qui décidé de démissionner en déclarant : « Je sais ce que ce travail exige, et je sais que je n'ai plus assez de forces pour lui rendre justice ».

Etonnement, dans encore un autre univers, quand René Redzepi, classé plusieurs fois meilleur chef du monde, a choisi de fermer son restaurant, au Danemark, et déclaré qu'il avait commencé une thérapie pour « gérer ses peurs et sa solitude ».

Ces leaders, qui oeuvrent dans des milieux différents, ont tous les trois choisi de déclarer publiquement leurs limites, leurs fragilités, leurs maladies. Ils se placent ainsi aux antipodes de l'image traditionnelle du chef sans faille, sans peur et sans reproche, tel le chevalier Bayard.

Un pacte implicite très fort

Ces trois dirigeants ne font, finalement, qu'exprimer leur humanité. Ils ne sont ni différents ni au-dessus des autres. Ils ont des doutes, des difficultés, des ennuis de santé qui les rendent momentanément moins opérationnels, voire qui les conduisent à renoncer. Au-delà de leur courage, cette posture les positionne à un autre niveau de leadership.

En montrant ses propres limites, le chef accepte que ses équipes en aient aussi. C'est la fin du fameux « je ne veux pas le savoir ». L'individu au travail n'est plus dissocié de ce qu'il est dans sa vie. Son environnement professionnel s'adapte en fonction des événements auxquels il est confronté. Et le chef est là pour le soutenir.

C'est un pacte implicite très fort : exprimez vos vulnérabilités pour que l'on vous aide. Pourtant, chacun encore aujourd'hui redoute plutôt le contraire : qu'on exploite ses vulnérabilités pour l'affaiblir.

Révolution culturelle

Mais, dans le monde d'incertitudes, de brutaux bouleversements, d'insécurité forte dans lequel nous évoluons, ce nouveau mode de leadership basé sur la solidarité et le soutien entre les acteurs devient très puissant.

Nul doute que si chacun savait que son environnement de travail est là pour le soutenir en cas de coup dur, il aurait une autre relation au travail, à ses collègues et à son entreprise. L'environnement de travail deviendrait un monde de sécurité, non pas par une garantie sur le futur mais par la force d'appartenir à un collectif solidaire.

C'est une révolution culturelle à mettre en oeuvre mais nul doute que les leaders qui s'y emploieront n'auront plus ni problèmes de recrutement ni difficultés à fidéliser.