expand

Repenser les rythmes - Eric Albert - Les Echos

Dire que la gestion du temps est un casse-tête pour la plupart des dirigeants est une banalité (dont je m’excuse auprès des lecteurs de cette chronique). Banalité, certes, mais problème permanent, jamais résolu. L’une des façons d’y réfléchir est de l’aborder par les rythmes de son entreprise.

Aujourd’hui, beaucoup de ces rythmes sont posés comme des rituels, les mêmes d’une entreprise à l’autre, et plus encore au sein d’une même entreprise. En lien avec le management, on peut citer l’entretien annuel, le « 360 », de plus en plus souvent, lui aussi, annuel, les mesures de climat social, tous les deux ans. A cela s’ajoutent le budget et toutes les réunions en lien avec les plans d’action, chacune à son rythme. Dans notre monde si rapide en changements, on voit bien que fixer des objectifs une fois l’an, pour les évaluer l’année suivante, est rarement pertinent ; de même, comprendre ce que les autres pensent de soi, là encore une fois par an, n’est pas suffisant ; et deux années semblent une période bien longue pour s’arrêter sur les perceptions de l’ensemble du corps social. Pour autant, ces temps sont souvent préservés précieusement car ils sont des temps de prise de recul.

Le risque du rapport au temps est de n’être que dans l’immédiateté. On absorbe le flot d’informations que l’on traite et l’on s’ajuste en permanence à ses principaux interlocuteurs, tout en menant les actions prévues dans l’agenda. Ce temps est celui du confort car il suffit de se laisser porter et de gérer les flux. Il n’en est pas moins épuisant, d’autant que la quantité croissante de nouveautés qu’il apporte est addictive. Impossible de s’empêcher de regarder ses messages.

Un autre usage indispensable du temps est celui consacré aux relations et aux émotions. Il permet d’absorber les chocs et de cultiver, avec son entourage, une relation de qualité faite de soutien et d’échanges constructifs. Une grande partie des malentendus entre les acteurs vient du manque de temps pour échanger. Ce temps émotionnel et relationnel doit aussi trouver un espace quotidien. Le temps de prise de recul est celui qui est le moins pris en compte. Mais c’est justement parce que la pression de l’immédiateté est de plus en plus forte que la prise de recul doit être plus fréquente.

Et après ?

Repenser les rythmes, c’est répartir son temps dans ces différentes fonctions. Il n’y a pas de répartition idéale. Au sein d’une même entreprise, il n’y a aucune raison pour que les rythmes soient identiques. En fonction de l’activité, de l’ancienneté, du contexte, la nécessité de prise de recul n’est pas la même. Mettre en place de nouveaux rythmes, c’est résister à la pression du temps pour en consacrer à ce qui n’est pas immédiatement productif mais indispensable dans la durée. Se voir même quand on n’a rien à se dire, réfléchir à ses priorités et à la façon dont on les met en œuvre, préciser ce que l’on doit changer pour s’améliorer. Rien de tout cela n’est urgent et rien n’est plus important pour garantir la performance dans le temps.