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Renoncer à l’action

Chacun se voit bien à la place de son chef. Le désir d’ascension demeure l’un des ressorts principaux des managers. Dans cette montée, ce qui est visible et envié, c’est ce à quoi on accède en plus. Territoire, sentiment de puissance, autonomie, espace de décision, vision stratégique, reconnaissance sociale, entrée dans un cercle limité, présence à des comités prestigieux, revenus, bureau, avantages de toutes sortes, la liste peut être longue. Tous recherchent un « plus » dans l’ascension hiérarchique. Ce que peu ne mesurent ni n’anticipent, c’est ce qu’une promotion suppose « en moins ». Autrement dit, à quoi le nouveau poste auquel on accède nécessite de renoncer. Pourtant, très vite, le nouveau promu s’aperçoit qu’il n’a plus la main de la même façon sur son activité qui s’est élargie à plusieurs entités pilotées par des patrons opérationnels. Il n’est plus en prise directe avec son équipe car ses collaborateurs sont eux-mêmes tournés vers leurs propres équipes. Il a plus de mal à trouver une cohérence globale dans l’ensemble de son périmètre. Chacune des entités, volontiers centrée sur elle-même, ressent peu la nécessité de collaborer avec les autres. Son emploi du temps est plus contraint par des obligations rituelles mais il est moins dans l’action. Bien souvent, cette action lui manque. Son envie d’intervenir est omniprésente. Et il n’est pas rare qu’il y cède. Dès lors, il commence par réorganiser et veut tout voir, intervient à tout propos, donne son avis, voire des instructions. La vie de ses collaborateurs devient insupportable. En fait, très peu de dirigeants savent trouver la bonne place dans des fonctions de siège, en apportant de la valeur ajoutée sans être dans l’hypercontrôle. Cette valeur ajoutée vient d’abord du recul par rapport à l’action. Analyser, comprendre, mettre en perspective, impulser, être garant du moyen terme, se focaliser sur l’essentiel, réorienter, mettre en cohérence la multiplicité des initiatives sont au coeur de cette valeur ajoutée. Celle-ci a plus d’impact quand elle s’exprime par l’influence plutôt que par l’autoritarisme. Ce passage de l’homme d’action au statut de dirigeant ne va pas de soi et n’est pas assez accompagné. Cela suppose d’accepter de renoncer. Ce qui, pour les boulimiques de l’action, est parfois trop demander. Mieux vaut alors qu’ils restent opérationnels.