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Relation au travail - Eric Albert - Les Echos

La campagne met en évidence des conceptions caricaturales et opposées de la façon dont le travail est imaginé par les politiques. D'un côté, ceux qui insistent sur la dimension victimaire. On les retrouve aux extrêmes, ils ne voient que des victimes de la mondialisation et du grand capital. Et ils sont favorables à la réduction du temps de travail. Ailleurs, l'un insiste sur l'effort, l'autre sur la prise en main de son parcours professionnel. Il est curieux qu'aucun ne se réfère à la très belle enquête que la CFDT a publiée fort opportunément il y a quelques semaines.

Une fois encore, ce syndicat se démarque, et plutôt que de s'abriter derrière le confortable discours excessif et populiste, il privilégie la compréhension du terrain. Cette enquête est une formidable réhabilitation du travail. Au-delà des discours caricaturaux, elle montre la place qu'il a dans la vie des gens : les trois quarts (77 %) l'aiment.

Pour autant tout n'est pas rose, loin de là. Les salariés incriminent volontiers le travail sur leur santé et, notamment, sur leurs problèmes de sommeil et sur différentes douleurs. Ce qui est évident. Parce que le travail a de l'importance et qu'il est un espace de remise en cause, de défis et d'efforts, il arrive qu'il nous mette en déséquilibre émotionnel et physiologique ; il a donc des effets sur la santé. En prendre acte suppose de prévoir un cadre qui permette aux acteurs de prévenir ce risque autant que possible et de le réguler. Ne perdons toutefois pas de vue que l'absence de travail est beaucoup plus pathogène que le travail lui-même. L'un des ressorts de cette enquête est d'établir des corrélations entre la perception du travail et la santé. Ainsi, les salariés qui ont le sentiment d'avoir de l'autonomie, de pouvoir mettre en oeuvre leurs idées, d'être fiers de ce qu'ils réalisent et de pouvoir compter sur les autres se portent mieux. Rien de surprenant. Pour autant, ces constats, qui semblent relever du bon sens, ne sont pas encore suffisamment pris en compte.

Cette enquête démontre à quel point la situation des acteurs au travail est contrastée. En miroir, elle met en évidence la disparité de la maturité et de la qualité managériale. Cela peut paraître un mystère. L'intérêt des dirigeants et des managers est évidemment d'avoir des collaborateurs en bonne santé, et qui prennent du plaisir à ce qu'ils font. Alors pourquoi certains ne font-ils pas en sorte que cela se produise ?

Faisons deux hypothèses. D'un côté, il y a ceux qui ne savent pas faire, de l'autre ceux que cela indiffère. Ceux-là ne cherchent que des profits rapides et ne se sentent aucune responsabilité vis-à-vis de ceux sur lesquels ils ont autorité.

Et après ?

L'incompétence et l'égoïsme, voilà les plaies du management. A moyen terme, ils produisent toujours de l'inefficacité et induisent une relation au travail conflictuelle. Les dirigeants devraient toujours garder en tête que les 54 % qui disent ne pas travailler seulement pour l'argent sont aussi ceux qui trouvent satisfaction et fierté dans ce qu'ils font.